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Prix Media 2018 - L’USP récompense Philippe Huwiler pour son reportage consacré à la dernière désalpe de l’armailli Gérard Morard
Sponsorisé par Agrisano, filiale de l’USP active dans le domaine des assurances, le Prix Media de l’USP est doté de 6000 francs au total (2000 francs par région). Il est décerné chaque année à un journaliste ou producteur qui s’est distingué par la qualité de son travail d’information sur le monde agricole suisse. Le jury du Prix désigne les lauréats sur la base d’une sélection de travaux susceptibles d'être récompensés proposée préalablement par l’Agence d’information agricole romande (AGIR) pour la Suisse romande, le Landwirtschaftlicher Informationsdienst (LID) pour la Suisse alémanique et par l'Unione Contadini Ticinesi (UCT) pour le Tessin.
Les journalistes honorés cette année ont reçu leur prix au terme de l’assemblée des délégués de l’Union suisse des paysans (USP), jeudi 22 novembre au Kursaal de Berne.
Les lauréats
Pour la région suisse alémanique, Beat Bieri s’est vu décerner le Prix pour son reportage télévisé intitulé Der Wildheuer – Senkrecht über dem Urnersee, diffusé le 1er mars 2018 sur SRF1.
(https://www.srf.ch/sendungen/dok/der-wildheuer-senkrecht-ueber-dem-urnersee).
La presse tessinoise, qui participait pour la première fois à ce challenge, a été mise en lumière grâce à Valeria Bruni qui a signé le reportage Agricoltura e transumanza diffusé le 3 février 2018 sur RSI 2. (https://www.rsi.ch/la2/programmi/cultura/superalbum/Agricoltura-e-transumanza-10024310.html)
Enfin, pour la Suisse romande, l’USP a récompensé Adju l'armailli: la dernière Rindya de Gérard Morard, diffusé le 26 octobre 2017 sur les ondes de RadioFr. et signé par le journaliste Philippe Huwiler.(http://www.radiofr.ch/fribourg/info/effervescence/adju-larmailli-la-derniere-rindya-de-gerard-morard.html)
Ultime désalpe
Après un demi-siècle passé sur les alpages gruériens dont 27 saisons sur l'alpage des Reybes en face du Moléson, Gérard Morard, 73 ans, abandonne son activité et vit sa dernière désalpe. Pour immortaliser ce temps fort empreint d’émotion, Philippe Huwiler a rejoint l’armailli et son équipe dans leur chalet sur la montagne. Debout à 2h15, le journaliste les accompagne dans leurs préparatifs, assiste à la dernière traite, partage leur petit-déjeuner. Puis dans le milieu de la matinée, il prend la route avec eux et les bêtes pour le retour en plaine et pour immortaliser l’accueil de Gérard Morard dans le village de Gumefens. Alors que chacun, à son rythme, vaque à ses occupations sans qu’aucun ordre ne soit donné, le journaliste évoque avec l’armailli le dur métier sur l’alpe, les bêtes, la nature, la relation avec les autres et avec sa famille…
Entretien - Philippe Huwiler revient sur ce moment d’existence arc-bouté sur une longue expérience de l’alpe, et chargé d’humanité
Philippe Huwiler, pourquoi avez-vous décidé de partager l’ultime désalpe de Gérard Morard?
Gérard Morard est une vieille connaissance. Mon travail de journaliste local m’amène à avoir la chance de côtoyer certaines personnes hors du commun, même dans une petite région. C’est le cas de Gérard Morard. Il y a quelques années déjà, j’avais consacré un reportage sur la fabrication du fromage d’alpage avec lui. Ce personnage né de la terre est la caricature d’une tête «bien faite», non pas forgée sur les bancs d’université, mais par la nature, le bon sens, l’expérience de vie et l’ouverture d’esprit. Un interlocuteur parfait. Je m’étais juré de ne pas louper sa dernière désalpe et d’y consacrer une émission plus importante. C’est avec un immense plaisir que j’ai pu suivre (et aussi conduire) le troupeau sur tout le trajet, de l’alpage des Reybes jusqu’à sa ferme de Gumefens, en ce samedi 30 septembre 2017. Petit détail: n’étant pas armailli, je comptais me distinguer en n’ayant pas l’outrecuidance de porter le bredzon. Gérard Morard m’a tout de suite rectifié: «si tu ne mets pas le bredzon, tu ne nous accompagnes pas.»
Comment avez-vous préparé votre reportage et que désiriez-vous mettre en évidence pour vos auditeurs?
Pour la préparation du reportage, je suis monté au chalet un samedi à midi au début du mois de septembre. Comme d’habitude, Gérard Morard réunit autour d’une fondue les gens qui vont l’accompagner pour la Rindya. J’ai ainsi pu me faire connaître et donner mes intentions: capturer de manière radiophonique cette ultime désalpe, ce moment si particulier dans la vie d’un armailli, avec ses émotions, mais sans donner dans le pathos. J’ai également demandé à chacun de se préparer à me parler spontanément le moment venu. Je ne voulais pas axer mon reportage sur la Rindya, mais sur sa préparation et sa finition. J’ai terminé avec 5 heures d’enregistrement…. Le tout pour rendre hommage - au travers de Gérard Morard, un exemple - à tous les travailleurs acharnés de nos alpages.
Quels souvenirs marquants gardez-vous de ce reportage et de cette rencontre?
Il serait trop long ici de vous décrire mon sentiment. Ce que je sais, c’est qu’il s’agit d’un des reportages que j’ai le plus aimé faire au cours de ces 20 ans de carrière. J’ai réalisé des sujets extraordinaires, mais celui-ci restera marquant à plus d’un titre. Non seulement, je suis sensible à la question agricole (ayant été garçon de ferme dans mon jeune âge), mais il faut bien avouer que c’est Gérard Morard qui m’a inspiré l’envie de réaliser ce reportage. L’homme est fabuleux et les meilleurs souvenirs sont ceux trop intimes pour figurer dans ce reportage. D’ailleurs, il m’a demandé de lui réaliser un bêtisier (et il y a de quoi) sur les cinq heures d’enregistrement que j’ai toujours en ma possession.
Savez-vous ce qu’est devenu Gérard Morard depuis cette journée hautement symbolique?
Bien sûr, c’est une personne que je prends toujours plaisir à côtoyer. En mai 2018, il a invité tous ceux qui ont participé à la dernière désalpe pour une raclette. L’émotion était décuplée pour Gérard Morard. Nous avons écouté plusieurs fois le reportage radio enrichi de photos de Nicolas Repond (photographe). Gérard, dans son infinie bonté, a remis à chacun un petit cadeau et j’ai reçu un baquet à crème où il est pyrogravé: «Prix nobel de l’armailli à Philippe le Journaliste, Rindya des Reybes 2017». Gérard Morard exploite toujours sa ferme de vaches laitières à Gumefens.
Pouvez-vous, en quelques lignes, évoquer votre trajectoire de journaliste?
J’ai commencé ma carrière de journaliste dans la presse écrite, par des piges à La Gruyère (tri-hebdomadaire fribourgeois) dès 1994, durant mes études à l’Université de Fribourg. Entre 1996 et 1998, j’ai accompli mon stage RP auprès du bimensuel (aujourd’hui disparu) L’Objectif. De 1998 à 2000, j’ai travaillé au quotidien (aussi disparu en tant que tel) Le Nord vaudois. J’ai ensuite voyagé une année en vivant de quelques piges pour La Liberté, La Gruyère et tout le groupe Romandie Combi. En 2002, à mon retour, j’ai été engagé à Radio Fribourg comme journaliste. Une année plus tard, j’ai été nommé rédacteur en chef adjoint. En 2007, j’ai repris la rédaction en chef de RadioFr. (Radio Fribourg et Radio Freiburg, en allemand). Cette fonction m’a occupé jusqu’en septembre dernier. J’ai en effet démissionné et j’aspire aujourd’hui à revenir au journalisme de terrain. Ce sera le cas dès le 1er janvier puisque je travaillerai à La Télé comme journaliste. A noter que je donne également des cours au CFJM (Centre de formation au journalisme et aux médias) depuis trois ans.
Enfin, comment la chaîne de radio empoigne-t-elle généralement les sujets relatifs à l’agriculture?
RadioFr. (à l’image de son ancien rédacteur en chef) est très sensible aux questions agricoles, sachant que notre canton compte plus de paysans que la moyenne nationale. De plus, nous avons des traditions auxquelles la population est attachée. En ce sens, RadioFr. suit l’actualité régionale et tâche de donner du sens aux sujets agricoles par des éclairages, des enquêtes, des interviews, des débats, etc. Il ne se passe pas une semaine, sans que nous ne traitions d’agriculture.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose?
Je l’ai dit: ce sujet a été très important pour moi. J’ai également reçu beaucoup de retours de gens qui voulaient un enregistrement. Ce reportage a également servi à illustrer de manière sonore des photos de Nicolas Repond, sur Gérard Morard, qui ont été exposées au Musée de Morat du 10 juin au 7 octobre dernier, dans le cadre de l’Exposition 2m2. C’est probablement l’un des reportages dont je suis le plus fier, car il y a de l’humain, il y a de la vie.
Propos de Philippe Huwiler recueillis par Armande Reymond /AGIR