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Capites vaudoises: un nouveau souffle pour les cabanes de vigne
C’était de simples abris à outils, des petites bâtisses en pierre ou en bois, discrètes au milieu des ceps. Mais depuis le 1er avril 2025, les capites vaudoises entament une nouvelle vie. Elles peuvent désormais accueillir des visiteurs, en toute légalité. Dégustations, vente directe, moments de partage au cœur du vignoble: cette ouverture marque un tournant, encore discret mais positif, pour l’œnotourisme.
Parmi ceux qui ont porté ce changement, Maurice Neyroud, vigneron-encaveur à Chardonne et député PLR au Grand Conseil vaudois. Son postulat, transformé depuis en motion, a ouvert la voie à une réinterprétation du cadre légal cantonal.
Des cabanes devenues inutiles
À l’origine, les capites étaient des locaux techniques. Avec une fonction simple: entreposer les outils nécessaires au travail quotidien. " On y laissait une hotte, un fossoir, des râteaux… rien de gros", se souvient Maurice Neyroud.
Ces petites bâtisses, qui ont été construites à une époque où les vignerons montaient à pied à la vigne, servaient aussi d’abri. "Je me rappelle, enfant, en sortant de l’école, j’allais rejoindre mes parents. On réchauffait la soupe sur un petit réchaud et on mangeait dans la capite, à l’abri", ajoute le viticulteur.
Depuis, ces constructions ont perdu leur utilité. "Les outils sont motorisés, les trajets se font en véhicule. Une capite fait environ 10 m². Ce n’est plus adapté. Elles ne servent plus à rien", résume le vigneron. Pourtant, elles sont encore là, plantées dans le vignoble, pleines de charme et d’histoire.
Un double besoin: vendre autrement, vivre une expérience
Mais aujourd’hui, alors que la viticulture cherche de nouveaux horizons, ces constructions offrent de nouvelles opportunités. "Les visiteurs, suisses ou étrangers, ne veulent plus seulement acheter une bouteille ou faire une dégustation en cave. Ils recherchent une expérience. Être dans les vignes, en plein air, face au lac, un verre à la main, avec quelques produits du terroir sur une planchette, en fait partie. Cela permet de vivre des moments uniques."
Quant aux vignerons, qui font face à une pression économique grandissante, avec la concurrence internationale et la baisse des marges, ils ont besoin de se démarquer. "On ne peut plus se contenter d’attendre à la cave que le client vienne", assure Maurice Neyroud. "Il faut aller le chercher, lui proposer quelque chose qu’il ne trouvera pas ailleurs. Les capites peuvent permettre cela, en valorisant des bâtiments existants, pleinement intégrés au paysage, et en créant des espaces d’accueil et de vente simples et directs".
Ici et là, des viticulteurs se sont déjà lancés dans cette activité d'accueil-vente autour des capites. Mais ils étaient dans l’illégalité, et risquaient une amende et cas de dénonciation. Ce qui est effectivement arrivé, en raison d’un enchevêtrement de lois, fédérale et cantonale, empêchant l’œnotourisme au milieu des vignes.
Une ouverture encadrée mais inédite
Depuis le 1er avril 2025, les choses ont donc évolué. Un assouplissement de la loi vaudoise sur les débits de boissons (LADB) permet aux vignerons d’accueillir le public dans leurs capites, à certaines conditions strictes. Le Conseil d’État a supprimé l’obligation d’installer des sanitaires pour l’obtention d’une patente caveau, en s’inspirant du modèle des food trucks. "Avant, si vous vouliez une patente, il fallait des toilettes. Et dans une capite, ce n’était tout simplement pas possible. Aujourd’hui, c’est débloqué", se réjouit Maurice Neyroud.
Cette avancée ne permet toutefois toujours pas d’organiser de véritables activités œnotouristiques — interdites par le droit fédéral en dehors du centre de l’exploitation — mais elle ouvre la porte à une forme allégée de vente directe: dégustation gratuite, assiettes froides, vente à l’emporter sont désormais possible. En revanche, pas de cuisine, pas de transformation, pas de service sur place. Interdit également d'installer une petite terrasse.
Un relais à Berne
Bref, les blocages restent nombreux. "Il est explicitement inscrit dans la législation fédérale qu’on ne peut pas pratiquer l’œnotourisme au milieu de vignes, seule la culture de la terre y est autorisée. A partir de là, toute possibilité d'aménagement est impossbile", explique encore Maurice Neyroud.
C’est pourquoi l'élu cantonal souhaite maintenant relayer le débat au niveau fédéral. Une motion est en préparation pour faire reconnaître l’œnotourisme comme une composante légitime de l’activité viticole. "Aujourd’hui, on est coincés entre plusieurs lois. La LAT, la LADB, la législation sur le commerce. Il faut harmoniser, clarifier." Ce qui serait bénéfique pour l’œnotourisme dans le canton de Vaud, mais aussi dans les autres cantons viticoles, et notamment le Valais, confronté aux mêmes obstacles.
Pascale Bieri/AGIR