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Courants vagabonds: les électriciens se forment pour protéger les fermes
Les courants vagabonds sont un phénomène encore peu connu du grand public. Pourtant, ils représentent un danger sérieux dans les exploitations agricoles, pouvant aller jusqu’à causer la mort d’animaux de rente.
Mais de quoi s’agit-il exactement? Ces courants vagabonds –aussi appelés courants parasites– sont des courants électriques de faible tension qui s’échappent du circuit fermé habituel et circulent à travers les structures conductrices, les installations, ou même le sol d’un bâtiment. Difficiles à détecter, y compris par les professionnels, ils menacent pourtant la santé des animaux, bien plus électrosensibles que les humains. Les bovins sont les plus touchés, notamment en raison de leur taille et de l’espacement de leurs pattes, qui sont souvent posées sur un sol humide, ce qui en fait d’excellents conducteurs d’électricité. Viennent ensuite les ovins, les caprins, puis les porcs et enfin les poules.
Un problème pris très au sérieux
Dans les campagnes, la question des courants vagabonds suscite de plus en plus d’inquiétude. Une étude récente, menée par la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires (HAFL) de Zollikofen, en collaboration avec Prométerre, l’Association vaudoise de promotion des métiers de la terre, révèle que, sur 1’428 exploitations interrogées, 37% ont été ou sont actuellement confrontées à ces phénomènes. Avec des conséquences sur les animaux qui vont du simple inconfort à des troubles graves: refus d’entrer dans la salle de traite, boiterie, blessures aux pattes, mammites, problèmes de fertilité, et même décès.
Les sources de ces courants parasites sont variées: dysfonctionnements dans les installations électriques, défauts de mise à la terre, mais aussi infrastructures environnantes comme les panneaux solaires, les antennes de télécommunication ou les voies ferrées. Dans la plupart des cas, ces courants ne résultent pas d’une défectuosité dans le système ou de normes non respectées, ce qui rend leur identification encore plus complexe.
Une formation pour les contrôleurs électriciens
Face à la demande croissante des agriculteurs, confrontés à des troubles inexpliqués chez leurs animaux, la section romande de l’Association suisse pour le contrôle des installations électriques (ASCE) a mis sur pied un cours de formation continue destiné à ses membres. La première session s’est tenue récemment dans le canton de Vaud, à Pampigny, sur une exploitation elle-même touchée par des courants vagabonds (voir la vidéo ci-dessus).
"Dans de nombreux cas, les contrôleurs électriciens ne savent pas où chercher lorsqu’ils interviennent dans une ferme, car les installations sont conformes sur le plan réglementaire", explique Mathias Salzmann, président de la section romande de l’ASCE. "L’objectif de ce cours était donc de montrer aux professionnels où peuvent se situer les problèmes, notamment au niveau de la mise à la terre ou de la conductivité des équipements agricoles, comme les robots de traite. Nous souhaitons répéter cette formation deux fois par an pour sensibiliser les électriciens et contrôleurs électriciens, et encourager certains d’entre eux à se spécialiser davantage. Le but est de pouvoir apporter des solutions concrètes aux agriculteurs."
Alain Siggen, l’un des deux formateurs aux côtés de Jacques Piguet, abonde dans ce sens: "Les contrôleurs électriciens font parfaitement leur travail, mais leurs instruments sont conçus pour détecter des anomalies classiques. Or, les courants vagabonds sont souvent présents à des intensités infimes, mesurées en millivolts ou en milliampères. Pour les repérer, il faut des outils de mesure spécifiques."
L’intégration de la géobiologie dans l’analyse
Les perturbations électromagnétiques observées dans les exploitations agricoles ne se limitent pas aux courants parasites issus des installations électriques. Certains phénomènes pourraient être d’ordre tellurique. C’est pourquoi l’ASCE a intégré un volet géobiologique à sa formation, confié à Alain Siggen, qui cumule les compétences d’électricien et de géobiologue.
"Un certain nombre de problèmes ne viennent pas uniquement des courants électriques, mais de phénomènes liés au sous-sol, comme la présence de cours d’eau souterrains ou de failles géologiques", souligne Mathias Salzman. "Il faut une certaine ouverture d’esprit pour l’admettre, mais nous avons pu observer des corrélations claires entre ces éléments et les troubles rencontrés par les éleveurs."
Sur l’exploitation où s’est déroulé le cours, trois veines d’eau souterraines traversaient la salle de traite. L’éleveur était confronté à une baisse de production et à une dégradation de la qualité du lait, tandis que ses vaches montraient des signes de stress et refusaient d’entrer dans la salle de traite. "Nous avons installé un menhir sur la faille géobiologique détectée. Il agit comme un condensateur, équilibrant les flux d’énergie. Résultat: 80% des problèmes ont été résolus. Les bêtes à nouveau calmes et la production laitière est revenue à la normale", affirme Alain Siggen.
Une problématique en hausse
Les courants vagabonds sont en augmentation. Cette tendance s'explique par l'intégration croissante de technologies avancées telles que l'automatisation, les capteurs connectés et les robots de traite, qui complexifient les interactions électriques au sein des fermes. Par ailleurs, l'installation de panneaux solaires, bien que bénéfique sur le plan énergétique, peut perturber les équilibres électriques existants.
Alain Siggen souligne également que les bâtiments agricoles sont désormais construits selon des plans d'urbanisme qui ne tiennent plus compte des aspects telluriques, contrairement aux pratiques d'autrefois. Cette évolution pourrait contribuer à l'augmentation des phénomènes de courants vagabonds, ajoutant une couche de complexité aux défis auxquels sont confrontées les exploitations agricoles.
Pascale Bieri/AGIR