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Les articles d'AGIR
Le printemps du photovoltaïque agricole a bien sonné
Posons l’objectif: "En Suisse, il faudrait au moins doubler, chaque année d’ici 2030, le rythme de progression de notre production électrique solaire, pour atteindre nos engagements climatiques et énergétiques". C’est Dominik Füglistaller, chargé de cours en agroécologie à la Haute école spécialisée bernoise HAFL, qui l’a ainsi résumé, lors du congrès 2025 d’AgroCleanTech, la plateforme suisse pour les questions d’énergie dans l’agriculture, le 3 avril dernier à Zollikofen (BE).
L’AGRI-PV pour les petits fruits
Son exposé portait sur l’agrivoltaïsme, ou AGRI-PV, à savoir l’installation, sur certaines parcelles agricoles ou en lisière de celles-ci, de panneaux photovoltaïques (lire notre article sur les expérimentations d’Agroscope pour la production de framboises et de myrtilles). "Bien sûr, l’essentiel du potentiel pour développer l’énergie solaire se trouve sur nos toits et façades", poursuivait-il, "mais pour accélérer la cadence, il ne faut pas négliger cet AGRI-PV, sachant que ces panneaux augmentent la résilience au changement climatique pour certaines cultures de petits fruits, et qu’il s’agit d’une diversification de revenus appréciable pour les paysans."
Ne pas concurrencer les productions agricoles
Certes, mais c’est donc à la marge, et il faut plutôt y voir une musique d’avenir: les terres agricoles, en Suisse, sont toujours plus restreintes, ce qui fait de l’aménagement du territoire un enjeu majeur. Cette production d’énergie par AGRI-PV ne pourra être autorisée que si elle participe du processus d’optimisation des productions alimentaires, sans les mettre en concurrence. La priorité est ailleurs: "Seuls 10% de nos toitures sont équipés de panneaux photovoltaïques", est venu plaider Wieland Hintz, responsable Energie solaire à l’Office fédéral de l’énergie (OFEN).
Seuls l’Allemagne et les Pays-Bas font mieux
"Il y a là un immense levier, et nous accélérons sur ce photovoltaïque, qui va couvrir 14% de la consommation électrique du pays cette année, contre 11% en 2024. En Europe, seuls l’Allemagne et les Pays-Bas nous devancent. Maintenant, si l’on veut parler de diversification, il faut aussi savoir que le photovoltaïque, comme l’hydraulique, produisent surtout en été. Nos voisins européens les complètent avec l’éolien en hiver, un secteur dont nous sommes, pour le coup, lanterne rouge en Europe..."
Plusieurs bonus introduits cette année
La révision de la loi fédérale sur l'énergie, entrée en vigueur le 1er janvier, encourage en tout cas ces énergies renouvelables, plaçant le solaire, et le biogaz auquel nous consacrions un premier article, en têtes de gondole. "Plusieurs mesures ont en effet été introduites par le Parlement fédéral", précise Wieland Hintz, "notamment pour vendre sur place l’électricité produite. Il y a ce qu’on appelle les «primes de marché flottantes» pour ceux qui injectent de l’électricité dans le réseau et la vendent sur le marché intérieur. Il y a des bonus de la Confédération pour les places de parc électrifiées et pour les installations en façade. Enfin, dès l’année prochaine, il y aura l’introduction de CEL, des Communautés Electriques Locales qui permettront de facilement revendre sa production électrique à travers le réseau public, pour ses voisins par exemple."
De nombreux acteurs pour accompagner
Facilement? Façon de parler, car l’exposé du représentant du département fédéral, technique à souhait, a, au contraire, plutôt figé les participants au congrès. Si de nouvelles opportunités existent, retenons surtout qu’il faut d’autant plus se faire conseiller, pour identifier celles qui peuvent s'appliquer à son propre cas de figure. "On voit que de nombreux acteurs se profilent pour apporter des réponses aux exploitants agricoles et décharger la partie administrative de leur projet photovoltaïque", résumait Sylvain Boéchat, collaborateur de la Direction générale de l’agriculture et de la viticulture du canton de Vaud. "Cela fait partie du rôle d’AgroCleanTech de mettre en relation les uns et les autres, avec cette vulgarisation agricole qui est présente dans tous les cantons, comme le fait Proconseil pour les Vaudois."
Et de meilleures garanties de rentabilité
"On pourrait simplifier en disant qu’il y aura deux options principales: soit vous êtes un gros producteur d’électricité, et vous serez accompagnés pour la mise sur le marché de votre électricité, dans une sorte de professionnalisation de la production d’électricité photovoltaïque, avec ses avantages et ses inconvénients. Et puis, seconde option, qui représente sans doute le plus gros potentiel, vous allez pouvoir valoriser votre auto-consommation, d’une part sur votre exploitation agricole, d’autre part auprès de vos voisins via ces comités d’électricité locale. Par le passé, de nombreux exploitants avaient fait de gros investissements sans obtenir les garanties de tarifs qu’ils espéraient. Cette fois, il semblerait que cette consommation propre puisse garantir une rentabilité plus rationnelle."
Des objectifs louables pour n’importe quel citoyen
La rentabilité comme priorité, mais le sens profond de la démarche également. C'est ce que souligne Claude Gallay, responsable constructions et techniques agricoles au centre de conseil agricole AGRIDEA, par ailleurs directeur adjoint de l’association AgroCleanTech. "Il faut garder en tête les deux objectifs premiers de cette loi fédérale: l’approvisionnement en électricité indigène de la Suisse, au maximum possible, et l’encouragement des énergies renouvelables. Ce sont deux objectifs louables pour n’importe quel citoyen. Avec ce congrès, AgroCleanTech joue son rôle de facilitateur pour le transfert des connaissances. Mais après, il y a d’autres acteurs qui entrent en scène: des installateurs, des groupes spécialisés comme Agrola, Fleco Power, que l’on a pu voir aujourd’hui, et bien sûr d’autres encore."
Quid des "courants vagabonds"?
Dernier aspect qui revient en boomerang dans les discussions paysannes sur le photovoltaïque: prend-on suffisamment en compte le problème dit des «courants vagabonds»? "C’est un problème d’installation électrique, le nombre de cas sur des exploitations laitières reste assez bas, et il ne faut pas l’associer au développement du photovoltaïque", tempère Sylvain Boéchat. Claude Gallay complète: "Cette dimension ne doit pas être négligée, mais cela ne doit pas empêcher les exploitants d’étudier les opportunités offertes pour le photovoltaïque dans la révision de la loi. En fait, que la loi sur l’électricité ait changé ou pas, c’était déjà un aspect à étudier avant toute transformation de son installation électrique. D’ailleurs le témoignage au congrès d’Agrocleantech de Rudolf Bigler, paysan bernois devenu également «énergieculteur», montre que si l’installation est bien réalisée, il est aussi possible de produire de l’énergie sans forcément rencontrer de problème de ce côté-là."
Une plateforme pour se faire aider
"Avec le soutien de l’OFAG et de nombreux partenaires", relève encore Claude Gallay, "une page d’information sur ces courants vagabonds a été mise en place par Agridea sur la plateforme agripedia.ch. Elle intègre une liste de contrôles des installations photovoltaïques que les installateurs doivent remettre au propriétaire."
L'agronome en profite pour souligner un autre point fort des encouragements actuels: "Parallèlement à la production d’énergies renouvelables, le potentiel dans les économies d’énergie n’est pas à négliger. AgroCleanTech gère des programmes de soutien «Prokilowatt», encore actifs jusqu’à fin 2025. Des investissements, comme par exemple le remplacement d’un chauffe-eau classique par un chauffe-eau/pompe à chaleur, sont soutenus financièrement et bénéficient d’un retour sur investissement attractif, de l’ordre de 5 ans. Ces solutions peuvent paraître plus modestes, mais c’est de l’argent qui reste dans la caisse de l’agriculteur chaque année."
Une initiative populaire pour accélérer
A noter qu’une initiative populaire vient aussi d’être annoncée, qui entend dynamiser le secteur de l’énergie photovoltaïque en supprimant, sauf exception pour les bâtiments d’importance culturelle ou historique, les demandes d’autorisation de construire requises avant la pose de panneaux solaires. Son comité, venu de Suisse alémanique, a jusqu'au 8 octobre 2026 pour récolter 100'000 signatures. Le Parlement fédéral est lui-même en train de débattre d'une accélération des procédures pour la construction de centrales solaires, éoliennes et hydroélectriques d'importance nationale.
Etienne Arrivé/AGIR
Plus d’info: www.agrocleantech.ch