À l’issue de ce projet de recherche, la coopérative agricole Fenaco a investi trois millions de francs pour acquérir une installation thermique. Fabriqué en Suède par l’entreprise ThermoSeed Global AB, le ThermoSem – c’est le nom de cet appareil imposant – permet de traiter les semences des céréales à la vapeur. « Aucune substance chimique de synthèse n’est utilisée dans ce processus », explique Jürg Jost. Responsable des semences UFA, une unité d’activité de Fenaco, il estime que cette technologie répond à un réel besoin des clients : « Les agriculteurs cherchent des alternatives à la protection des cultures. Le système ThermoSem répond pleinement à cette demande. »Si le procédé fonctionne pour les semences de céréales, il ne peut être adapté aussi facilement pour les semences de légumes. « Pour un hectare de blé, il faut 200 kg de semences alors que pour une surface similaire de céleri, il faut compter 25 g de semences », illustre Amadeus Zschunke. Les quantités nécessaires à la production de légumes sont donc beaucoup plus faibles. Le ThermoSem, qui a une capacité de quinze tonnes par heure, devrait être mis en service en juin 2021 à Lyssach (BE). Toutefois, en raison de la situation liée au coronavirus, son installation pourrait être retardée.
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La vapeur d’eau comme solution d’avenir
Les maladies fongiques telles que la moisissure des neiges, la carie commune et le charbon nu sont de véritables fléaux pour les cultures céréalières. Pour lutter contre ces maladies, l’agriculture conventionnelle recourt à des produits chimiques de synthèse. Selon la coopérative agricole Fenaco, 19 500 tonnes de semences de céréales sont traitées de cette manière chaque année avant d’être semées alors qu’environ 2600 tonnes restent non traitées pour le marché bio et IP-Suisse.
En 2017, la Confédération a adopté un plan d’action pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. En partenariat avec la coopérative agricole, l’Agroscope a donc lancé un projet de recherche pour trouver des solutions alternatives au traitement des semences de céréales. Plusieurs méthodes ont été testées comme le traitement à l’eau chaude et celui à la vapeur.
Des résultats probants pour lutter contre les maladies en surface
Pour leur recherche, les scientifiques de l’Agroscope se sont concentrés sur les maladies fongiques telles que la moisissure des neiges, la carie commune et le charbon nu. En laboratoire, les chercheurs ont donc analysé « la capacité de germination et l’état de santé des semences après le traitement ».
Les résultats démontrent que la graine est plus humide après un bain d’eau chaude à 45 degrés et prend beaucoup plus d’énergie à sécher qu’un traitement à la vapeur. Les chercheurs constatent donc que ce procédé présente plusieurs avantages en termes de durée du traitement, de coût et d’efficacité contre les maladies situées à l’extérieur de la graine.
Chargée du projet, Karen Sullam indique toutefois que la vapeur est inefficace pour traiter les maladies situées dans l’embryon de la graine, comme le charbon nu. « Lorsque des maladies sont présentes dans celui-ci, la température ou les conditions optimales pour tuer la maladie ont un effet négatif sur la plante, explique la chercheuse. Celle-ci ne germera pas normalement après le traitement. »
Déjà utilisée pour les semences de légumes
Le traitement à la vapeur remonterait aux années 1920. Selon une étude consacrée aux semences de légumes, « ce mode de désinfection a été supplanté par l’industrie chimique qui proposait des fongicides faciles à utiliser contre la contamination des semences ». La question est tombée aux oubliettes jusqu’à l’essor de la production biologique.
« Nous traitons avec succès les graines de légumes à la vapeur chaude depuis environ dix ans », affirme Amadeus Zschunke. Directeur de Sativa Rheinau SA, une entreprise spécialisée dans l’approvisionnement de semences biologiques, il assure avoir obtenu de « très bons résultats avec cette méthode ».
Vers une réduction des agents chimiques
« Le traitement à la vapeur sera désormais de plus en plus utilisé. Afin d’améliorer la protection contre les agents pathogènes dans l’embryon, il est important que nous optimisions les possibilités de diagnostic », ajoute encore Karen Sullam. À l’avenir, la chercheuse espère que ce traitement écologique permettra « de réduire l’utilisation des produits chimiques de synthèse pour le traitement des semences tout en produisant des céréales saines ».
UNE INSTALLATION THERMIQUE A TROIS MILLIONS DE FRANCS
Valérie Beauverd/AGIR