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La Suisse veut-elle conserver ses cultures céréalières?
Fritz Glauser, comment expliquez-vous que l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) ait ignoré les revendications de la FSPC?
Nous trouvons aberrant que l’OFAG ne tienne pas compte de nos arguments et des revendications de toute une profession pour développer une politique agricole qui tienne la route. Cela d’autant plus que le Parlement a, par exemple, pris clairement position en faveur d’un renforcement de la production de céréales fourragères dans notre pays. Ce n’est donc pas à nous de répondre à cette question ! En ce qui nous concerne, nous avons la chance que la position de la FSPC soit partagée par la majorité des représentants de la branche et la question que nous nous posons est la suivante : est-ce qu’on désire conserver en Suisse des cultures céréalières permettant de fournir des matières premières pour nourrir la population et nos animaux ou alors faut-il clairement abandonner cette filière qui n’est plus rentable ?
Quels sont les principaux problèmes posés par la PA 2014-2017 pour les producteurs de céréales et d’oléagineux et la filière céréalière en général ?
Avec un recul d’environ 10% du montant des paiements directs, les conséquences financières pour les exploitations de grandes cultures sont importantes, faisant perdre plusieurs milliers de francs chaque année aux exploitations. Cette baisse de rentrée financière se répercutera entièrement sur le revenu agricole et ne pourra être que partiellement compensée par la participation des exploitants à des programmes volontaires.
Nous assistons en outre depuis plus de dix ans à une diminution progressive et constante de la surface et des volumes de production des céréales fourragères et panifiables. Depuis 1980, ce sont près de 1000 hectares de céréales qui disparaissent chaque année en Suisse en raison de la chute de la rentabilité des cultures. Un hectare de blé panifiable couvre à peine les frais de production tandis qu’un hectare d’orge, aujourd’hui, laisse le plus souvent un revenu négatif. En 2012 et 2013, les quantités de céréales panifiables indigènes produites ont juste permis de répondre aux besoins de la meunerie.
Dans un même temps, nous sommes pris en otage, car le nouveau système mis en place par la PA 14-17 favorise un recul des surfaces productives au profit des surfaces écologiques, non-productives. Pour bénéficier des paiements directs l’agriculteur n’a, en effet, pas d’autres choix que de cultiver sur ses terres assolées au moins quatre cultures différentes, mêmes si celles-ci ne sont pas rentables.
Comment redresser la situation et permettre aux différents acteurs de la filière de garantir l’avenir de la production et de la transformation céréalières en Suisse ?
La FSPC doit à tout prix se battre pour maintenir un degré de professionnalisme de haut niveau, un savoir-faire, une qualité suisse et des revenus adéquats pour ses agriculteurs. Elle doit défendre des conditions cadres favorables.
Lors de sa récente Assemblée des délégués, le 5 novembre, une résolution a été approuvée pour revendiquer l’introduction immédiate d’une contribution pour les céréales fourragères. Nous avons transmis cette résolution au Conseil fédéral et à l’Office fédéral de l’agriculture et, maintenant, c’est une affaire à suivre. Il faut voir comment cela va évoluer mais, dans tous les cas, nous devons rester très vigilants sur toutes les décisions prises par l’OFAG et défendre nos intérêts point par point.
Comment définiriez-vous en quelques mots le modèle idéal, dans notre pays, d’une filière céréalière rentable et équilibrée ?
C’est une filière qui permettrait à tous les échelons de la branche, de la production à la transformation, de s’en sortir financièrement ! Il n’est, en effet, pas concevable de produire à perte, comme c’est le cas actuellement.
Ma vision d’avenir, c’est une filière dont l’importance, en Suisse, est clairement reconnue par l’OFAG qui doit se donner les moyens de défendre les grandes cultures. Pour les producteurs de céréales, de protéagineux et d’oléagineux, c’est la garantie aussi de pouvoir proposer sur le marché des matières premières suisses de haute qualité, résultat d’un savoir-faire. Notre métier doit rester attractif, professionnel et rentable.
Quelles négociations de libre-échange vous font-elles le plus de souci ?
Nous devrons être particulièrement vigilants pour tout ce qui concerne les accords de libre-échange prévus avec la Russie et les pays d’Amérique du Sud, par exemple, qui sont de gros producteurs de céréales. Notre production céréalière ne doit donc en aucun cas servir de monnaie d’échange. Pour éviter l’érosion des parts de marché, les produits à base de céréales suisses doivent aussi être mieux positionnés en termes de valeur ajoutée : origine, proximité, qualité et écologie. Dans cet esprit le projet Swissness est très positif.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Nous restons, malgré tout, optimistes mais nous devons absolument obtenir rapidement des corrections de Berne pour que nous puissions conserver une filière forte et de très haute qualité en Suisse et pour que les producteurs puissent entrevoir l’avenir en sécurité. Nos moulins doivent continuer à tourner avec nos propres céréales. C’est très important pour garantir aussi la stabilité des branches concernées par la transformation qui dépendent directement de la production car tout ce qui est produit chez nous n’a pas besoin d’être importé. Car si les volumes de production continuent de baisser, autant arrêter de produire à perte et importer directement tout notre pain et notre fourrage directement de l’étranger ! Heureusement, nous n’en sommes pas là. Nous nous battrons pour nous maintenir sur le marché indigène et pour défendre une agriculture suisse productive et respectueuse de l’environnement.
Propos recueillis par
Armande Reymond/ AGIR
