Main Content
Les articles d'AGIR
L'agritourisme en Suisse: entre complément de revenu et art d’accueillir
Séjourner dans une ferme, partager un repas avec les exploitants, assister à la traite ou nourrir les animaux: l’agritourisme s'est passablement développé ces dernières années. Pour de nombreux agriculteurs, cette activité est à la fois un complément de revenus et l'occasion de (re)tisser des liens avec les citadins. Cela étant, pour accueillir des visiteurs, il faut aussi répondre à des réglementations, parfois complexes. À Charmey (FR), une conférence organisée par l’Union fribourgeoise du tourisme (UFT), a fait le point sur le sujet, avec différents intervenants.
Une ouverture pensée depuis l’intérieur
Parmi ces derniers, Hanane Thorimbert. Avec son mari, elle a transformé une partie de leur ferme de Prez-vers-Siviriez, dans le canton de Fribourg, en lieu d’accueil. Ainsi, depuis 2017, deux chambres d’hôtes permettent aux visiteurs de séjourner dans ce bâtiment traditionnel, datant de 1860, et de partager la vie de l’exploitation, avec ses animaux, volailles, vaches, moutons, tout en bénéficiant d’un jardin où se détendre.
Si mettre cette offre sur pied a nécessité des travaux, de l’énergie, des démarches administratives et de la paperasse, l’agricultrice assure qu'elle ne regrette rien: "cette expérience m’apporte énormément", dit-elle. Des rencontres, des échanges, des amitiés. Et quelques revenus en plus.
Une activité encadrée, pas ouverte à tous
Reste qu'on ne s’improvise pas prestataire touristique. L’agritourisme est autorisé uniquement en tant qu’activité accessoire, pratiquée par une exploitation agricole reconnue. L’article 40 de l’Ordonnance sur l’aménagement du territoire (OAT) précise les conditions : la ferme doit disposer d’au moins une unité de main-d’œuvre standard (UMOS), autrement dit une personne active à plein temps, et l’activité touristique ne doit pas modifier le caractère agricole du site.
Par ailleurs, les prestations -nuitées, repas, activités pédagogiques ou sociothérapeutiques- doivent avoir lieu dans des bâtiments existants. Une nouvelle construction ne peut dépasser 100 m², sauf justification particulière. Et, en tous les cas, l’agriculture doit rester l’activité principale: l’accueil vient en complément, pas en substitution.
Des démarches nombreuses
Avant toute concrétisation de projets, il y a donc de nombreuses étapes à franchir. L’exploitant doit contacter la commune, vérifier les besoins en permis, annoncer son activité aux autorités cantonales et à l’assurance responsabilité civile. En cas de denrées alimentaires, une inscription auprès du Service des affaires vétérinaires et alimentaires (SAAV) est requise. La sécurité incendie doit également être consultée.
Puis, une fois son activité lancée, l’agriculteur doit tenir un registre des hôtes pour la taxe de séjour, transmettre un bulletin à la police du commerce, ou encore mettre en place un autocontrôle pour les prestations alimentaires. Aucun maillon de cette chaîne n’est facultatif.
L’agritourisme demande donc du temps, de la disponibilité, en plus de l’envie d’accueillir. Ce qui suppose une organisation familiale compatible, ainsi qu'une capacité à jongler entre production, hôtellerie et logistique.
Une visibilité essentielle
Se lancer dans l’accueil, c’est une chose. Mais encore faut-il le faire savoir. C’est l’un des rôles d’Agritourisme Suisse, l’association faîtière dirigée par Philipp Steiner et dont la plateforme myfarm.ch regroupe aujourd’hui plus de 200 prestataires dans tout le pays.
Les prestations sont diverses: hébergement classique, nuitées sur la paille, repas à la ferme, visites pédagogiques, animations participatives. Pour aider les exploitants à structurer leur offre, l’association propose des formations, des recommandations concrètes et des critères de qualité. L’accent est mis sur la clarté : définir précisément ce qui est proposé, identifier son public cible, et s’assurer que toutes les conditions sont réunies pour accueillir dans de bonnes conditions.
Une attente d’expérience... avec un certain confort
"Les visiteurs ne viennent pas chercher un service standardisé, comme à l’hôtel, mais une expérience. Ce qu’ils attendent, c’est un lien direct avec les agriculteurs, la possibilité d’observer ou de participer à des activités de la ferme", souligne Philipp Steiner. L’agritourisme permet en effet d’entrer dans un univers souvent méconnu des visiteurs. Cela étant, l’authenticité ne suffit pas. Il faut aussi du confort, des installations propres, une attention portée aux détails. Et pourquoi pas, un zeste d’originalité, comme avec cette balançoire suspendue à une haute poutre dans une des chambres mansardées de la Ferme verte de Prez-vers-Siviriez.
Pascale Bieri/AGIR

