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Les articles d'AGIR
Toutes les passions équestres aimantées par quatre lettres: IENA
Vous êtes fille d’agriculteurs, des Bernois installés tout près d’ici, à Donatyre (VD), quand vous aviez 4 ans. En grandissant vous êtes devenue, au niveau amateur, cavalière de saut d’obstacles, et votre fille l’est à son tour. Vous êtes donc particulièrement bien placée pour nous parler de l’évolution de la place du cheval dans la société…
Christine Baumgartner : Oui, mon père a toujours eu un cheval, au départ c’était pour les travaux agricoles et comme hobby. Autrefois, le cheval jouait un rôle important dans le travail de la terre et dans l’armée. Aujourd’hui, le cheval est essentiellement perçu comme un compagnon de loisir, intégré dans des activités sportives ou récréatives. Aussi, actuellement une majorité de propriétaires de chevaux sont des femmes. Au niveau du budget, le coût dépasse très vite 1’000 francs par mois, en plus du prix d’achat extrêmement variable, qui peut aller de quelques milliers de francs à des centaines de milliers de francs pour un crack.
Et vous êtes à nouveau propriétaire d’un cheval…
C’est ça, j'ai eu des chevaux jusqu'à il y a dix ans à peu près. Et maintenant je partage celui de ma fille, qui a commencé à aimer le cheval ici, à l’IENA à l’école de poneys trotteurs. Je pense que la pratique du cheval s'est quand même démocratisée, dans le sens où justement vous avez la possibilité d'acheter un cheval à plusieurs, vous vous en partagez ce qu'on appelle une demi-pension. Il existe toute une gamme d’options.
Est-ce que les coûts sanitaires ont augmenté, en termes de choix de vaccination par exemple?
La vaccination est obligatoire contre la fièvre équine, puis les contrôles vétérinaires sont très stricts pour les chevaux qui voyagent à l’international, spécialement pour les compétitions. Et les soins sont aussi pointus que les conditions de détention, toujours en direction du bien-être animal. On peut vraiment faire un parallèle avec le suivi médical du sportif de haut niveau.
Vous avez fait partie du comité de la Société de cavalerie de Payerne. En quoi de telles sociétés peuvent-elles être une aide pour un privé ?
Beaucoup de ceux qui choisissent de confier leur cheval en pension chez un agriculteur manquent d’un endroit pour travailler. Alors que le club de Payerne, par exemple, dispose d’un manège, d’un carré de sable, etc. Si vous vous affiliez à une société, vous faite partie du club pour aller vous entraîner, avec des tarifs très avantageux.
C’est d’ailleurs lors d’un concours d’équitation que l’on vous a soufflé d’envoyer votre candidature au directeur et fondateur de l’IENA Jean-Pierre Kratzer. C’était en 2009. Racontez-nous cette bifurcation professionnelle !
J'étais dans le marketing, je travaillais à temps partiel sur Lausanne, et je cherchais un emploi plus proche de mon domicile. Comme toute cavalière je pense, l’idée d’être embauchée par l’IENA représentait un idéal, car c'est un cadre magnifique, et des activités ultra diversifiées autour du cheval. J'ai d'abord commencé ici aux finances, puis je me suis spécialisée en ressources humaines, avant de quitter l’IENA en 2022, pour différentes raisons. Entre autres parce que j'avais envie de me spécialiser davantage dans les RH. Début 2024, Jean-Pierre Kratzer m'a recontactée et posé la question pour la direction. Je n'ai pas réfléchi bien longtemps: le poste est hyper intéressant, le domaine d'activité est extrêmement large. Il y a ici un restaurant, un centre d'entraînement, il y a des chevaux qui vont et viennent, d’autres prestations sur place, et on est en relation avec toutes les fédérations du milieu équestre. Sans compter les courses, dont nous assurons aussi les retransmissions à l’international et qui sont proposées aux turfistes européens via les opérateurs de paris.
Votre institution a été inaugurée en septembre 1999, suite à la privatisation partielle du site du haras national et en raison de la fermeture de l’hippodrome d’Yverdon-les-Bains le 1er août de la même année. Qu’est-ce qui vous a le plus étonnée, ou impressionnée sur le site.
Ce que beaucoup sous-estiment, c'est le coût d'entretien. Ici, c'est comme un domaine agricole de 142 hectares. Oui, on a des pistes, des infrastructures sportives, des écuries qui peuvent héberger 300 chevaux, mais imaginez le nombre d’arbres, de haies, la surface de pistes, les bâtiments à entretenir. Au total, nous employons à peu près 30 équivalents plein temps. Une partie du foin que nous utilisons pour nos locataires est produite sur notre site. Au-delà, je retiens surtout l'évolution du regard du public sur les disciplines de l’équitation. Toutes disciplines confondues, le bien être animal est devenu central. Le harnachement, l'alimentation sont aussi extrêmement importants. Dans ce contexte, en 2018, IENA Academy a été créé, un département supplémentaire où l’on fait de la formation sur la relation homme-cheval. C'était une démarche longuement réfléchie, et qui s’avère être une prestation qui s’intègre parfaitement à notre offre, qui vient compléter notre activité envers les jeunes de l’école de poneys trotteurs.
Comment fonctionnez-vous en termes de recettes et de dépenses, et quels sont les leviers décisifs financièrement.
C’est le plus grand défi, car il y a beaucoup de paramètres. Nous avons la chance d’avoir ce site, très diversifié et très vaste, qui est une grande force. Parmi les axes à développer, nous mettons en avant la location des infrastructures sportives à différentes disciplines, que ce soit pour des compétitions ou des entrainements. Ensuite, l’activité courses, qui à ce jour est notre principale source de revenus, est optimisée au niveau de l'organisation. Nous avons ainsi notre propre régie pour filmer et diffuser les images. La saison 2025 a débuté le 28 février et se termine en novembre, plus de 150 courses se déroulent ici, réparties sur une bonne trentaine de journées, avec le Prix du Président à la mi-septembre. Sachant que dès cette année, ce prix prestigieux, attirant des trotteurs européens, sera rebaptisé Prix du Président Jean-Pierrer Kratzer.
Car Jean-Pierre Kratzer, qui était donc encore président de l’IENA, est décédé en février de cette année. Comment vous êtes-vous organisés pour assurer la continuité des affaires ?
Très rapidement, les comités des diverses associations dont il assurait la présidence, ainsi que les membres du Conseil de gérance de l'IENA, se sont réunis et ont pris en main les affaires courantes. Concernant l'IENA, c’est Denis Roux, un ancien dragon, qui a repris la présidence. Fort de sa longue expérience au sein de l’IENA et de ses nombreux contacts dans le milieu des courses, il a pu assurer la transition et garantir une continuité optimale des événements. Les membres du comité de gestion sont également très engagés, ce qui nous permet d’envisager de nouvelles perspectives prometteuses.
Comment espérez-vous cet IENA lorsque vous passerez le relai, et même au-delà, mettons en 2050?
L’IENA se positionne comme le pôle national de référence pour toutes les disciplines équestres, en renforçant ses collaborations avec les fédérations de chaque discipline, tout en accueillant des événements de grande envergure et en nouant des partenariats à l’international. La plus noble conquête de l’homme sera et restera toujours au centre de nos préoccupations.
Propos recueillis par Etienne Arrivé/AGIR
Pour retrouver notre entretien avec Inès Lamon, responsable d’exploitation du Haras national d'Avenches, c'est ici.

