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Un sentier, des abeilles… et un méchant à vaincre
Il y a vingt ans, la Société d’apiculture du district de Monthey (VS) inaugurait, dans le vallon de They, un des tout premiers sentiers didactiques de Suisse dédiés aux abeilles. Avec pour objectif de sensibiliser petits et grands à l'importance de cet insecte essentiel à la pollinisation. Deux décennies plus tard, les apiculteurs valaisans innovent à nouveau. Grâce à une application en réalité augmentée, ils ont fait de la balade une aventure dotée d'une mission de poids: sauver la ruche du redoutable "Mordax", tueur d’abeilles.
Une aventure à ciel ouvert
Pour découvrir ce sentier en live, nous avons pris rendez-vous avec Rémy Clerc, membre de la Société d’apiculture du district de Monthey. Sur le point de départ, derrière le parking de la Foilleuse à Morgins, il nous présente les premiers panneaux rénovés, enrichis de QR codes bien visibles, et nous explique, sous les arbres, le principe de cette aventure: «On a créé ce jeu parce qu’on voulait redonner un coup de jeune à ce sentier», dit-il en préambule.
Le scénario est simple mais efficace. Le joueur incarne «Buzzbee», une abeille ouvrière, et il doit affronter les multiples tâches et menaces auxquelles la colonie est confrontée: le varroa, le nettoyage de la ruche… et surtout le redoutable "Mordax", avatar numérique d'un frelon asiatique. Le parcours suit le cours de la Vièze, dans le vallon de They, entre nature alpine et séquences animées.
Comment ça marche
L'activité se déroule sur une boucle d’environ 10 kilomètres aller-retour, sans difficulté particulière, jalonnée de 22 panneaux explicatifs. Une fois l’application téléchargée (25 francs, achat valable à vie), les joueurs scannent un premier QR code sur les panneaux 1 et 2. Chaque étape débloque ensuite un nouveau défi, jusqu’aux panneaux 21 et 22.
L’application propose des contenus interactifs variés, combinant mini-jeux, animations, sons et réalité augmentée superposée au paysage réel. Une étape consiste, par exemple, à nettoyer la ruche à l’aide d’un jeu d’adresse. Plus loin, on est invité à repérer les meilleures plantes mellifères dans l’environnement immédiat, en scannant les alentours avec la caméra du téléphone. Chaque mission permet de découvrir un rôle spécifique de l’abeille : nourrice, ventileuse, butineuse… «Une abeille vit environ 30 jours, et durant cette période, elle va occuper toutes les fonctions nécessaires au bon fonctionnement de la colonie», explique Rémy Clerc.
Le jeu est téléchargeable sur smartphone, via les plateformes Android et iOS. Il peut aussi être lancé sur un appareil mis à disposition par l’Office du tourisme de Morgins, pour celles et ceux qui le souhaitent. Il est possible d'interrompre l'application à tout moment et de la reprendre plus tard. Une seule installation suffit pour jouer à plusieurs, en famille ou en groupe, grâce au mode de partage intégré.
Une immersion grandeur nature
Les panneaux physiques retracent l’histoire d’une abeille depuis son stade de cocon jusqu’à celui de butineuse, en passant par celui de nurse et de nettoyeuse. «Sauf accident, une abeille vit environ 30 jours, et durant cette période, elle va endosser tous les rôles nécessaires au bon fonctionnement de la ruche», explique Rémy Clerc.
À chaque étape, le réel et le virtuel s’entremêlent. Le décor, lui, prolonge naturellement l’expérience : le sentier traverse prairies et sous-bois, longe la Vièze, croise des chèvres curieuses, des vaches d’Hérens paisibles, des parterres fleuris. On s’arrête à la source de l’Eau Rouge, on observe, on apprend, porté par un rythme calme et sensoriel.
À mi-parcours, une halte est possible au restaurant du Vieux They. En fin de boucle, les chutes des Fontaines Blanches et l’alpage de Tovassière prolongent la sortie, avec la possibilité de se restaurer ou de s'hydrater.
Abeilles en danger
Derrière l’interface ludique, le message reste grave. Le varroa, parasite redouté des apiculteurs, peut décimer une colonie entière. Des traitements existent, plus ou moins efficaces selon les conditions, toutefois la menace reste constante. « Mais le plus gros danger pour les abeilles, actuellement, c’est le frelon asiatique, parce qu’on n’a aucune arme pour le détruire et qu'il peut lui aussi tuer la totalité d'une ruche», commente Rémy Clerc.
Pour tous les publics
Conçu pour un jeune public, le jeu attire aussi bien des familles que des randonneurs solitaires ou de simples curieux, avec son approche pédagogique, ses graphismes immersifs et sa liberté d’exploration. De plus, les jeux sont rejouables à volonté, ce qui permet à chacun de participer à son rythme.
À l’issue du parcours, les participants peuvent se rendre à l’Office du tourisme pour recevoir deux petites récompenses symboliques: un bon de 10 francs valable sur des produits locaux ou du miel, et un certificat d’«apprentie abeille diplômée».
Une relance bien pensée
Ce projet immersif est né d’un constat: malgré la qualité du sentier, l’intérêt du public déclinait. Plutôt que de tout réinventer, la Société d’apiculture du district de Monthey a donc choisi d’ajouter une couche d’interactivité, en misant sur les outils numériques.
La création a été confiée à l’entreprise valaisanne Génie Culturel, spécialisée dans les expériences XR (réalité étendue). Le développement s’est fait en collaboration avec les écoles primaires locales, avec un financement assuré par la société d’apiculture et plusieurs sponsors régionaux. Quant à l'avenir, les instigateurs du jeu espèrent pouvoir vendre des licences de l'application à d’autres sentiers apicoles en Suisse, voire à l’étranger pour continuer à essaimer l'information sur ces butineuses indispensables.
Pascale Bieri/AGIR

