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Les articles d'AGIR
Une étable, ce n’est pas un hangar
Pendant longtemps, les étables étaient pensées, avant tout, pour simplifier le travail humain et maximiser les performances. Mais les critères évoluent, portés à la fois par les attentes croissantes de la société en matière de bien-être animal et par les avancées scientifiques sur les besoins réels des animaux. "Le confort et la santé ne suffisent pas à garantir le bien-être. Il faut aussi considérer les besoins comportementaux, sociaux et cognitifs", a souligné Nicole Disler, responsable du département Animaux de rente à la PSA, en ouverture du 26e congrès de l’association qui s’est tenu mi-juin à Olten (SO). Toutefois, cette exigence de mieux faire suppose d’être reconnue à sa juste valeur. Car le bien-être animal a un coût: en temps, en infrastructures et en engagement.
Un lieu de vie, pas seulement d’abri
En Suisse, tous les animaux de rente doivent bénéficier d’une protection contre les intempéries, souvent sous forme d’une étable ou d’un abri. Mais entre les contraintes techniques, économiques, topographiques et sanitaires, la réalisation concrète de cet objectif reste complexe. "C’est un champ de tensions permanent", explique Sophie Hauck, agricultrice et contrôleuse pour la PSA. "On cherche à protéger les animaux, à garantir une production efficace et à respecter leur comportement naturel. Mais réunir ces trois dimensions dans un même espace architectural est rarement simple."
Ainsi, un bâtiment bien ventilé permet aux animaux de respirer un air sain, mais offre une moins bonne protection contre le vent et la pluie. À l’inverse, une structure totalement close limite la circulation de l’air et peut générer un stress thermique ou une accumulation d’ammoniac. Dès la phase de conception, il faut donc composer avec des compromis.
Le poids du bâti sur le comportement animal
L’architecture d’un bâtiment d’élevage ne se résume donc pas à des mètres carrés ou à des matériaux. Elle conditionne également la possibilité pour les animaux d’exprimer leurs comportements naturels. Une litière adaptée, une zone de couchage bien distincte, un accès régulier à l’extérieur: tous ces éléments influencent l’état émotionnel et physique des bêtes.
Pour encourager ce type de détention, les programmes SST (Systèmes de stabulation particulièrement respectueux des animaux) et SRPA (Sorties régulières en plein air) offrent un cadre incitatif. Ils posent des exigences de détention qui ont des implications sur l’organisation des bâtiments et permettent de bénéficier de contributions spécifiques dans le cadre des Prestations Écologiques Requises (PER).
Mais leur mise en œuvre peut rencontrer des limites concrètes. "En zone de montagne, les conditions météorologiques et la configuration du terrain rendent certains aménagements difficiles", souligne Sophie Hauck. "Il faut alors chercher des solutions qui tiennent compte du terrain, sans renoncer aux objectifs de fond."
Les éleveurs innovent
Le congrès d’Olten n’a pas seulement donné la parole aux experts. Plusieurs agriculteurs sont venus partager leurs propres expériences de transformation. À commencer par Antonia et Gabriel Ruckli, dans le Seetal (LU), qui ont repensé l’ensemble des installations de leur élevage de porcs: loges en trois zones, paillage systématique, accès extérieur, séparation progressive mère-porcelets. Résultat: une baisse des troubles du comportement, une amélioration de la santé et une meilleure stabilité reproductive. "Ces aménagements nous demandent du travail, mais ils correspondent à notre vision du métier", explique Antonia Ruckli. "Et les animaux nous le rendent."
Autre exemple: le travail de l’entreprise ATX, spécialisée dans la planification de bâtiments agricoles. Patrick Bucher, son directeur, a présenté les principes d’une approche «centrée sur l’animal», où la lumière naturelle, les possibilités de retrait, les zones de calme et de mouvement sont intégrées dès les premiers croquis. "Il ne s’agit pas d’imposer une norme rigide, mais d’adapter chaque projet à la fois aux besoins des animaux et à la réalité du terrain."
La Suisse figure parmi les pays les plus avancés en matière de protection animale. Et la mise sur le marché d’un équipement d’étable fabriqué en série est soumise à une autorisation rigoureuse, délivrée après examen par des centres spécialisés mandatés par l’OSAV. L’objectif: garantir la conformité des équipements aux besoins des animaux, quelle que soit leur espèce.
Des outils, mais pas de solutions miracles
Les nouvelles technologies occupent également de plus en plus de place dans les étables modernes. Détecteurs de mouvement, robots d’affouragement, brosses rotatives ou systèmes de traite automatiques permettent à la fois de réduire la pénibilité du travail et d’affiner la gestion sanitaire. Mais, comme l’a souligné Nicole Disler, ces outils ne remplacent pas l’observation humaine. "Mal utilisées, ces technologies peuvent creuser la distance entre l’éleveur et ses animaux. Ce qui n’est ni souhaitable ni conforme à l’idée d’une agriculture responsable." L’innovation, pour être bénéfique, doit rester au service de la relation homme-animal, et non s’y substituer.
Vers une étable à hauteur d’animal
Plutôt que d’alimenter des clivages, le congrès d’Olten a mis en avant la recherche de solutions concertées. Il ne s’agissait pas de pointer du doigt les agriculteurs, mais de continuer à construire des solutions réalistes aux enjeux du bien-être animal. "Personne ne connaît mieux ses animaux qu’un paysan ou une paysanne engagé·e", a rappelé Tamara Roos d’IP-SUISSE. "Le bien-être animal n’est pas une liste de cases à cocher. C’est une démarche globale, qui inclut aussi la reconnaissance du travail effectué.*
Et cette reconnaissance passe autant par des standards clairs que par des prix rémunérateurs. "Il faut que le marché tire dans le même sens", insiste Tamara Roos, en relevant que des labels tels que IP-SUISSE ont déjà noué des partenariats avec plusieurs distributeurs (Migros, Coop, Volg) pour assurer une prime à celles et ceux qui vont au-delà des obligations légales.
Pascale Bieri/AGIR

