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La souveraineté alimentaire au cœur des débats
La définition de la souveraineté alimentaire a été présentée pour la première fois par la Via Campesina (groupement international d’organisation de petits paysans et travailleurs agricoles) en 1996 à Rome dans le cadre du Sommet mondial de l’alimentation mis sur pied par la FAO:
Le point de vue de la Via Campesina
Selon la via Campesina, la souveraineté alimentaire se définit ainsi :
«La souveraineté alimentaire est un droit international qui laisse la possibilité aux pays ou aux groupes de pays de mettre en place les politiques agricoles les mieux adaptées à leur population sans qu’elles puissent avoir un impact négatif sur la population d’autres pays».
Cette définition pose les bases des échanges agricoles internationaux et offre aux familles paysannes dans le monde entier des perspectives à long terme. Cependant, trop vague pour être concrétisée en véritable instrument de politique agricole, elle rend nécessaire de préciser la notion de souveraineté alimentaire en tenant compte des spécificités des agricultures et des défis alimentaires des différentes régions du monde.
Pour les pays en voie de développement, la souveraineté alimentaire doit permettre à la population d’avoir accès en suffisance à une nourriture de qualité correspondant aux habitudes locales à un prix supportable. Elle doit également permettre aux agriculteurs d’accéder aux terres qu’ils travaillent.
Il n’en va pas de même dans d’autres régions du monde. Comme bien d’autres, notre pays - où la loi fédérale sur le droit foncier rural et celle sur le bail à ferme agricole garantissent l’accès à la terre aux agriculteurs -, doit trouver sa propre définition pour la concrétisation de la souveraineté alimentaire.
La situation en Suisse
Forte de 60 000 exploitations agricoles produisant des denrées alimentaires pour plus de six millions de consommateurs, avec un nombre restreint d’acteurs au niveau de la transformation et de la commercialisation, la Suisse offre à ses habitants une grande disponibilité en denrées de qualité, représentant une part relativement faible des dépenses des ménages.
Pas moins de 10'000 exploitations fournissent des matières premières pour la fabrication de produits dotés d’une appellation d’origine protégée (AOP) ou d’une indication géographique protégée (IGP). En association avec plus de 1300 entreprises de transformation, ces producteurs génèrent un chiffre d’affaires annuel supérieur à 700 million de francs. Grâce l’encouragement de l’agriculture biologique, 10% des exploitations produisent selon les normes bios. Enfin, une large palette de produits régionaux permet à la population de s’alimenter selon les habitudes locales.
Cependant, le taux d’approvisionnement en denrées alimentaires n’est que de 60% et une autonomie complète ne peut être réalisée en Suisse, pas plus que dans bien d’autres pays où les besoins de la population dépassent les possibilités des cultures vivrières indigènes.
Le point de vue de la CER
La Commission d’économie et redevances du Conseil national (CER) propose de compléter en ces termes la loi sur l’agriculture, art. 2 al. 4:
«Les mesures de la Confédération se fondent sur le principe de la souveraineté alimentaire pour prendre en compte les besoins des consommateurs en produits suisses diversifiés, durables et de haute qualité».
Cette définition, qui reflète l’importance accordée aux relations entre l’agriculture, les partenaires des filières agro-alimentaires et les consommateurs, s’inscrit dans celle de la Via Campesina, qu’elle complète.
La satisfaction des besoins des consommateurs suisses nécessite que non seulement l’agriculture, mais l’ensemble de la filière alimentaire, fournissent des prestations à cet effet. Des mesures concrètes doivent en découler, il s’agit donc de mettre en place des structures permettant de satisfaire à long terme les besoins de la population.
Le point de vue de l’USP
C’est en ce sens qu’une initiative parlementaire de Jacques Bourgeois, directeur de l’Union suisse des paysans (USP), demande que le principe de la souveraineté alimentaire soit inscrit dans la loi sur l’agriculture.
Ce principe, qui doit être adapté aux conditions suisses, sera amené à jouer un rôle de plus en plus important dans le développement de la politique agricole du pays. Il devra tenir compte également de l’évolution internationale au niveau de l’approvisionnement en denrées alimentaires.
L’USP considère que la souveraineté alimentaire devra constituer, en parallèle avec la durabilité et la multifonctionnalité, l’un des piliers de l’agriculture suisse dans le futur.
Selon l’Union suisse des paysans, quatre principes de base peuvent donner une orientation claire à la politique agricole 2014-2017. Ils constituent la base nécessaire à la mise en place des instruments de cette politique:
- Maintenir un taux d’auto-approvisionnement stable;
- Conserver les ressources nécessaires pour garantir ce taux d’auto-approvisionnement;
- Optimiser le fonctionnement de la filière agro-alimentaire;
- Encourager la consommation de denrées alimentaires indigènes produites de manière durable.
Des mesures efficaces
L’USP propose un catalogue de mesures claires et précises. Concernant l’auto-approvisionnement tout d’abord, il s’agit de veiller en particulier aux produits de première nécessité. Les mesures en faveur de la sécurité alimentaire font partie du principe de souveraineté.
Pour l’USP, il est important que la Suisse conserve une certaine autonomie, par exemple au niveau des semences. Il ne s’agit certes pas de tendre à l’autarcie, ni d’empêcher de nouvelles relations commerciales avec l’étranger mais bien de maintenir viable une agriculture productrice de denrées de qualité. Leur traçabilité doit encore être améliorée. Il y a lieu de veiller au maintien des savoir-faire et des compétences.
Du côté des filières
Des mesures doivent être prises pour encourager la consommation de denrées indigènes produites de manière durable à tous les échelons des filières alimentaires. Une stratégie de qualité doit être définie pour l’ensemble de ces filières, lesquelles doivent obtenir des revenus décents à tous les échelons.
Protéger les terres agricoles
L’accent doit être mis sur la protection à la fois qualitative et quantitative des terres agricoles, de l’eau et de l’air grâce à une utilisation efficiente et durable des ressources. Leur protection doit être mise au même niveau que celle des forêts. Il y a lieu de prendre en compte la situation dans le secteur des intrants, en particulier en matière de fourrages, et de rechercher une diminution de leurs importations en encourageant une production indigène.
Sur le marché
La Confédération doit mettre en œuvre des mesures pour accroître la transparence et pour renforcer le positionnement des organisations de producteurs et des interprofessions sur le marché (fonds d’intervention, observation des prix et des marges etc.), de manière que celles-ci soient sur un pied d’égalité avec les transformateurs et les distributeurs. L’utilisation de contrats-types doit être encouragée, voire rendue obligatoire. Lorsque des décisions prises ne sont pas respectées, elles doivent disposer du principe de force obligatoire.
Conclusion
La souveraineté alimentaire focalise de plus en plus l’attention et suscite des débats nourris au sein du monde politique, en particulier dans le cadre de la politique agricole 2014-2017. Plus largement, les relations entre producteurs et consommateurs sont d’actualité et différentes initiatives voient le jour, dont la création récente d’un groupe parlementaire qui vient d’être sous la Coupole fédérale.
Ailleurs dans le monde, les récents événements qui se sont déroulés dans de nombreux pays ont confirmé cette problématique: l’alimentation sera, à nouveau, un défi majeur pour l’avenir de l’humanité.
AGIR
Renseignements complémentaires :
Martin Pidoux, Responsable du secteur économie rurale de l’USP, tél. 031 385 36 43
e-mail : martin.pidoux@sbv-usp.ch