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Le président n’est pas content !
La nouvelle politique agricole PA 2014-2017 suscite de nombreuses craintes dans le monde rural. L’année dernière déjà, Bernard Leuenberger, président de la Chambre d’agriculture du Jura bernois (CAJB), critiquait la réforme des paiements directs et surtout la décision du Conseil fédéral de supprimer dans la future loi les contributions liées aux UGB. Mais il espérait que les Chambres fédérales entendraient les revendications de l’USP et corrigeraient le tir. Aujourd’hui, l’espoir n’est plus de mise. Même si le Parlement doit encore se prononcer sur certains points de divergences lors de sa prochaine session de printemps, l’agriculture a d’ores et déjà perdu sa bataille de la prime à la vache.
«C’est la pire décision pour notre région», a relevé Bernard Leuenberger dans son discours d’ouverture de l’assemblée générale, vendredi dernier à Crémines. «C’est une absurdité totale pour les régions de montagne, dont notre Jura fait partie dans son intégralité.» Le président de la CAJB prédit une diminution de bovins, principalement dans les exploitations laitières avec une charge en bétail élevée. «Qui dit moins de bovins, dit aussi moins de bêtes en estivage, si bien que l’augmentation des primes d’estivage prévue dans la PA 2014-2017 n’apportera pas d’amélioration réelle d’un point de vue financier.»
Il craint que la nouvelle politique agricole, dans son ensemble, entraîne une perte importante de paiements directs pour l’agriculture du Jura bernois. Et la perspective de glaner d’autres contributions, par exemple la prime pour la qualité du paysage, n’est selon lui qu’un miroir aux alouettes.
Dépendance alimentaire
Se défendant d’être un «anti-écologie», le président de la CAJB juge néanmoins que l’orientation verdissante de la PA 2014-2017 est incohérente. Elle ne répond pas aux nouveaux défis alimentaires que devra relever la Suisse et le reste du monde. «On ne peut pas produire plus en augmentant l’écologie, il y a un malaise, d’autant plus que la souveraineté alimentaire de notre pays est tombée à 52%», dénonce-t-il. En d’autres termes, la Suisse nourrit un citoyen sur deux et dépend pour moitié des importations. «Notre pays se classe ainsi au premier rang des nations importatrices de denrées alimentaires par habitant.» Une situation jugée risquée qu’il ne faudrait pas aggraver.
Cultures fourragères
Bernard Leuenberger a rappelé la diminution alarmante de 40 000 hectares de céréales fourragères depuis 1990, soit une perte de 40%. «La principale cause en est la politique agricole qui a réduit l’attrait de cette culture.» Côté fourrage grossier, la Suisse n’est guère mieux lotie. «Les prairies artificielles ont augmenté mais l’extensification imposée par la Confédération a maintenu les quantités au même niveau.»
Autre sujet de préoccupation abordé par le président: la diminution des surfaces agricoles. «Si nous continuons de gaspiller les terres ainsi, dans sept ans, une superficie supérieure à celle de la SAU du Jura bernois aura disparu!» Et d’appeler les membres de la CAJB à voter oui à la révision de la Loi sur l’aménagement du territoire (LAT) le 3 mars prochain.
Le coût des campagnols
Dans le rapport d’activités de la CAJB, la secrétaire générale Annemarie Hämmerli dresse un bilan plutôt négatif de l’année agricole 2012. La météo s’est montrée capricieuse et les campagnols redoutables. Les dégâts commis par ces rongeurs sont estimés à plus d’un million de francs. Malheureusement, les agriculteurs ne peuvent pas être dédommagés. La seule voie possible est de recourir à l’Aide suisse aux montagnards.
Toujours en 2012, le Jura bernois recensait 589 exploitations agricoles touchant des paiements directs contre 597 en 2011. La CAJB compte 450 membres mais leur nombre diminue chaque année davantage que l’évolution structurelle.
Dialogue avec Markus Ritter
Elu à la présidence de l’USP il y a maintenant presque 100 jours, Markus Ritter bat la campagne pour rencontrer la base paysanne. L’agriculteur saint-gallois et conseiller national PDC donne cinq à sept conférences par semaine pour présenter le travail mené par l’USP, notamment dans le cadre de la PA 2014-2017. Vendredi dernier, Markus Ritter était à Crémines pour partager, en français, ses objectifs avec les familles paysannes du Jura bernois, écouter leurs remarques et recueillir leurs idées.
Pour Markus Ritter, le grand ratage de la PA 2014-2017 concerne le revenu agricole et la nouvelle répartition des contributions. «Il n’y a aucun objectif qui vise une hausse du revenu des familles paysannes suisses alors que la Loi fédérale sur l’agriculture stipule que le revenu agricole doit être comparable à celui des salariés de la même région. Aujourd’hui, les revenus dans l’agriculture sont 40% en dessous de la normale et le Conseil fédéral ne dit pas un mot pour améliorer cette situation.»
Markus Ritter ne craint pas non plus l’autocritique. Les divergences et les divisions au sein même des parlementaires agricoles affaiblissent le travail de lobbying.
Le président veut que l’USP définisse sa vision de l’agriculture de demain et fixe des objectifs clairs. «Nous devons arriver à penser plus vite que le Conseil fédéral et que l’OFAG afin d’agir en amont.» Une défense professionnelle proactive plutôt que réactive, voilà le message délivré par le nouveau patron de l’organisation faîtière.
Karine Etter/Agri
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