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Moins de pommes… plus de poires, cerises et pruneaux!
La surface actuelle des vergers de pommes sur l’arc lémanique est de 702 ha, soit 17% de la surface totale (4 187 ha en Suisse). En un an, la région a produit 24 567 t de fruits, soit 16% de la production totale (155 055 t en Suisse). En Suisse, la consommation de pommes représente 126 700 t.
Le marché de la pomme suisse, constatent les professionnels de la branche en général et l’Union fruitière lémanique (Ufl) en particulier, est aujourd’hui saturé. La production est supérieure aux possibilités d’écoulement. La quantité excédentaire est acheminée vers les cidreries, provoquant une surcharge du marché des fruits à cidre. En outre, la transformation de pommes de table en jus n’est pas rentable pour les producteurs. Face à ce constat, les professionnels de la branche ont entrepris de renouveler et valoriser leurs vergers en réduisant la surface de pommiers.
« D’ici 2017, l’Union fruitière lémanique table sur une diminution totale des surfaces de pommiers de 10%, soit 60 ha à diversifier en 5 ans. La cadence de cette diminution est basée sur le renouvellement naturel des vergers en période de surproduction: 2% des surfaces sont arrachées chaque année, car elles atteignent l’âge limite de production (plus de 20 ans). L’objectif principal de cette stratégie de valorisation des vergers est d’encourager les arboriculteurs à se tourner vers d’autres espèces fruitières afin que la quantité et la diversité de fruits produits soient en adéquation avec les besoins réels du marché, les goûts actuels du consommateur et la rentabilité de la filière. C’est aussi l’occasion pour les producteurs de développer l’offre de proximité, une façon de faire barrière à la concurrence étrangère en proposant aux consommateurs des produits locaux variés et de qualité », explique Cyrielle Coutant.
Saturation du marché
Historiquement, précise Luc Magnollay, « les vergers de l’arc lémanique ont toujours été constitués essentiellement de pommiers, car ils se développent très bien dans nos terrains profonds issus de la moraine. La pomme était alors une filière rentable aussi bien au niveau des espèces saisonnières que pour ses possibilités de stockage et de transformation, notamment en cidre et jus de fruit».
Depuis quelques années cependant, différents éléments concourent à la saturation du marché. Grâce à une sélection toujours plus pointue des espèces et à une amélioration des techniques en arboriculture fruitière, la productivité des vergers a considérablement augmenté. Et cela, sans qu’il y ait une diminution des surfaces cultivées ou une augmentation de la consommation. S’ajoute le fait que, depuis 2010, l’exportation des surplus de fruits à cidre et des produits à base de fruits n’est plus subventionnée par l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG).
A l’horizon 2017…
Troisième région productrice de fruits en Suisse après la Thurgovie et le Valais, l’arc lémanique se prépare donc à changer de visage. « Nous allons concentrer nos efforts sur la diversité et la proximité. Notre branche est assez dynamique pour que nous ayons la capacité d’arriver à nous reconvertir dans le délai que nous nous sommes fixés à l’échéance de la PA 2014-2017 », explique le président.
«Pour prendre ce virage, l’Ufl s’est basée sur le rapport d’Agridea établi en 2010, intitulé : «Valorisation des produits des filières agricoles vaudoises, Filagro», dans lequel étaient mises en évidence les perspectives de développement de la filière fruits. L’Ufl a complété cette analyse pour définir la situation arboricole lémanique en 2013 et tracer les grands axes de développement du verger par espèce fruitière. Avec le soutien des différents groupes de travail (Galti), on a inventorié les mesures techniques à mettre en place pour accompagner les arboriculteurs dans les principales étapes visant à diminuer progressivement les surfaces de pommiers pour les remplacer par des poiriers, cerisiers, pruniers, mais également des arbres à kiwis, pêchers ou abricotiers», précise Cyrielle Coutant.
L’Ufl souhaite également valoriser des variétés fruitières régionales, par exemple le pruneau Fellenberg ou le kiwi vaudois en entreprenant les démarches nécessaires pour obtenir le label AOP ou IGP.
Promouvoir et communiquer
Parallèlement aux efforts entrepris par les représentants de la filière et consciente que la vente des fruits régionaux et des produits à base de fruits disponibles sur le marché dépend d’une bonne promotion de la filière, l’Ufl s’est penchée cette année sur les moyens à mettre en œuvre pour dynamiser ses campagnes de communication, sensibiliser le consommateur, le pousser à privilégier les fruits de proximité.
Outre la conception de panneaux didactiques intitulés « Un verger dans ma commune », destinés à être placés le long des chemins dans les vergers, l’Union fruitière lémanique a approché les écoles. L’idée, selon Cyrielle Coutant, est de mettre sur pied un concept de visite des vergers et d’élaborer avec le concours des enseignants des activités pédagogiques autour des fruits et du verger.
« Face à la concurrence étrangère qui a une capacité de production et une échelle de prix que nous n’avons pas les moyens d’atteindre, nous devons absolument assurer la rentabilité de notre filière en nous différenciant. Nous devons, par conséquent, axer tous nos efforts sur une valorisation ciblée de nos vergers et mettre sur le marché des fruits de qualité, des espèces variées issues d’une production locale conduite dans le respect de la biodiversité, comme la production intégrée ou la culture bio », conclut Luc Magnollay.
AR/AGIR
Stratégie pour passer d’une espèce à l’autre
Au niveau des poires, l’Ufl vise une augmentation de 10 ha du verger de poiriers. L’organisation a en effet constaté que la surface diminue chaque année pour atteindre 45,2 ha en 2013 (100 ha en 2000), avec en outre une proportion trop élevée d’arbres de plus de 25 ans. Le potentiel de consommation régionale de la poire, donc de production, sont pourtant très importants, mais comme l’a précisé la directrice, « cette diminution s’explique par le fait que c’est un fruit difficile à travailler, exigeant et par conséquent peu rentable à cause de ses faibles rendements ». Pour encourager les arboriculteurs à développer cette espèce, l’Ufl étudie actuellement des variétés à fort potentiel de rendement et se penche sérieusement sur les moyens à mettre en œuvre pour améliorer les techniques de production.
Pour les cerises, la surface des arbres est en légère augmentation depuis quelques années (18 ha en 2000 pour atteindre 20,6 ha en 2013). Compte tenu du potentiel actuel de consommation : 1kg de cerises par an et par habitant, il faudrait 100 ha pour couvrir la demande des quelque 1,2 million d’habitants que totalise le bassin lémanique. A l’échéance de 2017, l’objectif de l’Ufl est de doubler les surfaces.
Pour la pêche et l’abricot, et en sachant que les surfaces stagnent depuis 2007 à respectivement 7,7 ha et 5 ha, la filière lémanique table sur une augmentation de 10 ha. Cyrielle Coutant souligne qu’une augmentation de la production d’abricots offrirait des possibilités de développement intéressantes pour la vente directe à la ferme, pour les primeurs et grossistes à la recherche d’un produit vaudois.
La surface des pruniers est en augmentation (30 ha en 2006 pour atteindre 32,8 ha en 2013), et vu le fort potentiel de consommation de ce fruit d’arrière été et d’automne, l’Ufl compte augmenter de 10 ha les surfaces d’ici quatre ans.
Quant au kiwi, il a de l’avenir. Grâce à ses 17,8 ha de plantations en 2012, chiffre assez stable depuis de nombreuses années déjà, la région produit 95% des kiwis suisses. Compte tenu que la région lémanique est la seule au monde où ce fruit n’a pas besoin d’être traité, la marge de progression est intéressante. L’objectif de l’Ufl, par conséquent, est d’augmenter de 10 ha la surface actuelle.
Le coût estimé par l’Ufl pour le développement du verger lémanique est de 3,5 millions, dont quelque 250'000 francs pour l’arrachage et le broyage des pommiers. Sont concernés par ces mesures, quelque 140 arboriculteurs vaudois et une vingtaine d’exploitations genevoises.
AR/AGIR