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Agriculture en Côte d'Ivoire
22.08.2018 – Le caoutchouc ne fait plus recette…
(ATS/AGIR) - "On ne s'y retrouve plus, on n'a rien!" s'écrie un planteur d'hévéa en Côte d'Ivoire, premier producteur africain de caoutchouc: en dix ans, les hévéaculteurs ont vu leurs revenus divisés par cinq, victimes d'une surproduction mondiale. Les producteurs et l'Association des professionnels du caoutchouc naturel (Apromac) qui chapeaute les organisations du secteur, dénoncent aussi les surtaxes prélevées par l'Etat. La Côte d'Ivoire produit 60% du caoutchouc d'Afrique et pointe au septième rang mondial. Elle a atteint 603.000 tonnes en 2017, contre 468.000 en 2016. Les prévisions pour 2018 tablent sur 720.000 tonnes, et encore une augmentation de 20% dans les trois prochaines années. Mais, malgré cette hausse constante, les revenus individuels baissent.
Avec la débâcle de la France à Dien Bien Phu en Indochine en 1954, la puissance coloniale française perd l'Indochine et les immenses plantations de caoutchouc destinées au fabricant de pneus Michelin. Les grains d'hévéa sont alors introduits en Côte d'Ivoire. La production du latex grimpera en flèche à partir de 2009 grâce à un ambitieux plan, financé par le Fonds de développement de l'hévéaculture (FDH) d'un montant de 26 milliards de francs CFA (environ 40 millions d'euros) sur neuf ans. Cet appui au secteur a permis, de 2009 à 2018, la création de 110.000 hectares de plantations nouvelles. Les planteurs ivoiriens ont alors surfé sur un prix du caoutchouc sur le marché mondial qui avait atteint 5.000 dollars la tonne. La Côte d'Ivoire compte actuellement près de 160.000 producteurs de caoutchouc. Mais le succès vire au cauchemar en 2011. "Aujourd'hui on est à peine à 1.000 dollars la tonne", déplore le président de l'Apromac, Eugène Kremien, ancien fonctionnaire qui s'est converti en planteur d'hévéa il y a 35 ans, propriétaire d'une unité industrielle.
Pour les experts de la filière, l'arrivée à maturité de 100.000 hectares de plantations en Malaisie, pays d'Asie du sud-est qui produit près de 90% du caoutchouc mondial, a fortement perturbé le marché. La production mondiale est passée en trois ans de 9 millions à 13 millions de tonnes en 2017, alors que "la demande n'a pas suivi".
"Etre planteur d'hévéa est devenu synonyme de pauvreté", déplore Herbert Adou Bokpet, dans sa plantation de 10 hectares à Memni. Magloire Mambo, un autre hévéaculteur, lui accuse l'Etat: "Le planteur d'hévéa s'appauvrit à cause des taxes", déclare-t-il. En 2011, le gouvernement a institué une taxe supplémentaire de 5% sur le chiffre d'affaires. La capacité d'usinage du pays, capable d'une transformation semi-finie à 100%, ne peut plus absorber toute la production nationale depuis la mise en place de cette taxe. L'Apromac exige donc sa suppression et demande des exonérations fiscales sur l'importation des outils industriels pour atteindre un objectif: "fabriquer des pneus made in Côte d'Ivoire d'ici 2025" avec des planteurs vivant sans se préoccuper de cours élastiques.
Auteur : ATS/AGIR
