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Chine: pollution de terres agricoles
13.11.2017 – Un petit paysan attaque en justice le plus grand groupe chimique chinois, Qihua.
(ATS/AGIR) - Wang Enlin, un paysan chinois de 64 ans, n'a jamais fait d'études. Mais aujourd'hui, après avoir appris le droit en autodidacte, il défie devant les tribunaux le plus grand groupe chimique de Chine, accusé d'avoir pollué ses terres. M. Wang et d'autres habitants de son village de Yushutun, dans la province du Heilongjiang, au nord-est, ont en effet porté plainte contre la société Qihua, accusée d'avoir rendu leurs terres impropres à l'agriculture. L'affaire traîne depuis 16 ans. Qihua est une filiale du géant étatique ChemChina, le plus grand groupe chimique de Chine, qui a racheté le bâlois Syngenta. Elle est spécialisée notamment dans le traitement du pétrole brut. En février pourtant, première victoire: la justice ordonne à l'entreprise de dépolluer sa décharge de produits chimiques située dans la commune et de verser un total de 820'000 yuans (près de 126'000 francs) à 55 familles, afin de compenser la perte de leurs récoltes. Mais le jugement est cassé en appel. Et M. Wang et son équipe de villageois se préparent à de nouvelles joutes dans les prétoires. Son combat vient tester les limites de la loi chinoise sur l'environnement, amendée en 2015 avec l'ambition de faciliter les recours citoyens contre les entreprises polluantes. La croisade de M. Wang a débuté en 2001, lorsque les autorités locales ont loué 28 hectares de terres à l'entreprise afin d'y créer une usine avec sa décharge. Sans l'approbation des villageois. Selon eux, les eaux usées se sont infiltrées dans les terres agricoles environnantes. En 2013, une association écologiste venue de Pékin détecte dans les sols du village des niveaux de mercure "incompatibles avec l'agriculture". L'année suivante, le ministère de l'Environnement pointe du doigt Qihua, en notant aussi que l'usine a fermé et redirigé ses rejets vers un autre site. Mais le dossier monté par M.Wang avec l'aide d'une association d'aide juridique n'est accepté par la justice qu'en 2015. Aujourd'hui, l'agriculteur prépare seul sa contre-attaque en justice. Début septembre, un tribunal local a finalement accepté la demande de M. Wang de faire appel de la décision qui annulait sa victoire initiale. En une décennie, le nombre d'affaires d'environnement traitées par la justice en première instance a été multiplié par 10 en Chine, note la chercheuse Rachel Stern, qui a écrit un rapport sur le sujet. L'usine de Qihua ne semblait plus en fonctionnement lors d'un récent passage de l'AFP. Le terrain adjacent était envahi par les mauvaises herbes, sans aucune trace de l'ex-bassin d'eaux usées. Mais aucune culture ne repoussera jamais ici, estime la villageoise Wang Baoqin. "Nous n'obtiendrons peut-être même jamais justice de notre vivant", dit-elle. "Nous faisons cela pour les générations futures."
Auteur : ATS/AGIR
