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Droits de douane: la marge de manoeuvre de la Suisse limitée
05.08.2025 – Alors qu'il reste moins de deux jours au Conseil fédéral avant l'entrée en vigueur des droits de douane de 39% sur les importations helvétiques aux Etats-Unis, les experts sont réservés, voire sceptiques quant à la capacité du Conseil fédéral d'arracher des concessions de dernière minute au président américain Donald Trump.
Berne va présenter une offre plus "attractive" aux Etats-Unis et n'envisage pas dans l'immédiat de contre-mesures, a annoncé le gouvernement lundi. Le Conseil fédéral est déterminé à poursuivre les négociations avec Washington au-delà de la proposition de déclaration conjointe, et si besoin au-delà du 7 août.
Plus d'investissements
La Suisse se place au sixième rang des investisseurs étrangers aux Etats-Unis - avec des montants de 350 milliards de francs - et occupe le premier rang pour les investissements dans la recherche et le développement. Mais elle pourrait aller plus loin.
"Les caisses de pension suisses pourraient être incitées à diriger une part de leurs investissements vers des infrastructures technologiques américaines: cloud souverain, cybersécurité, semi-conducteurs. Une réponse directe aux attentes de l'administration américaine en matière de flux de capitaux", écrit John Plassard, responsable de la stratégie d'investissement de Cité Gestion.
La Suisse pourrait proposer une coopération renforcée dans le domaine pharmaceutique en matière de sécurité de l'approvisionnement et d'innovation biotechnologique, estime Arthur Jurus, directeur des investissements d'Oddo BHF Suisse. Le gouvernement pourrait aussi inciter les entreprises helvétiques à augmenter leurs capacités de production outre-Atlantique.
L'économiste d'UBS, Maxime Botteron, rappelle cependant que le Conseil fédéral n'a pas la capacité à forcer le secteur privé à réaliser des investissements aux Etats-Unis.
Accès au marché agricole
"Une concession envisageable serait de faciliter aux USA l'accès au marché agricole suisse", poursuit M. Botteron. La Confédération pourrait ainsi abaisser ses propres tarifs douaniers sur certains produits agricoles et faciliter la réglementation pour des denrées spécifiques comme les fruits de mer et les agrumes, élabore Kevin Gismondi, économiste à la Banque cantonale de Zurich.
Mais pour son homologue Santosh Brivio de la Banque Migros, une telle mesure serait difficilement acceptable par l'opinion publique et les milieux politiques.
Achats dans la défense
L'achat de 36 avions de combat F-35 "pourrait être mis en avant comme un acte fort de soutien à l'industrie de défense américaine, voire complété par des options supplémentaires ou une coopération plus large", ajoute M. Plassard. La Suisse pourrait ainsi faire des concessions dans des domaines où elle est de toute façon dépendante d'importations, soutient l'expert Claude Maurer de l'institut BAK Economics.
Mais dans ce domaine sensible, il n'est pas dit que le Conseil fédéral obtienne le soutien des députés, avertit Maxime Botteron.
Et l'énergie
Les économistes interrogés par l'agence AWP proposent pour la plupart de renforcer les achats de gaz naturel liquéfié (GNL) américain pour diversifier les sources d'approvisionnement, comme l'a fait l'Union européenne.
Cette mesure risque cependant de se heurter aux capacités de production américaines et surtout au manque d'infrastructures portuaires adaptées au transbordement du GNL.
Prix des médicaments
Pierre d'achoppement pour Donald Trump, les grands groupes pharmaceutiques mondiaux, dont Novartis et Roche, ont jusqu'à fin septembre pour abaisser les prix de leurs médicaments. Pour apaiser Washington dans ce domaine, la Suisse pourrait entamer un dialogue sur les mécanismes de composition des prix ou les laboratoires pharmaceutiques concéder des baisses de tarifs, énumère Arthur Jurus. Les Etats-Unis devraient par contre être disposés à réduire les marges dans la distribution.
Il semble cependant difficile d'arriver à un accord sur ce point d'ici le 7 août, le Conseil fédéral ne disposant que d'une marge de manoeuvre limitée à ce sujet, nuance M. Botteron.
Pas si simple
Trouver une entente sur ce dossier "ressemble à la quadrature du cercle", avertit Hans Gersbach. Selon le co-directeur de l'institut KOF, "la première des priorités est la protection de notre industrie d'exportation".
"La marge de manoeuvre de la Suisse est de facto limitée", la Confédération ayant déjà ramené à zéro la majorité des droits de douane sur les produits industriels, souligne Santosh Brivio, pour qui "des concessions faites à la va-vite sont dangereuses".
Et pour Claude Maurer, "négocier sous pression n'est jamais une bonne position" de départ. "Un accord précipité de dernière minute pourrait coûter cher - et fait peu de sens lorsqu'un accord n'est pas vraiment fiable".
Auteur : Agence Télégraphique Suisse (ATS)
