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Le boycott des produits américains, souvent contre-productif
19.08.2025 – Les appels au boycott des produits américains se multiplient en Suisse depuis le coup de massue tarifaire de Donald Trump. Pourtant, ce genre de mouvement est rarement efficace et pourrait même pénaliser l'économie helvétique, avertissent les experts.
Si, jusqu'à présent, seuls deux élus ont appelé au boycott des produits américains - le conseiller d'Etat valaisan centriste Christophe Darbellay et son collègue de parti, le conseiller national bernois Reto Nause - le mouvement est surtout présent sur les réseaux sociaux.
Mais les mots ne sont pas toujours suivis d'actions. Un sondage réalisé en mai par Digitec Galaxus, basé sur les chiffres des ventes du commerçant en ligne, révélait que, malgré la guerre commerciale lancée par le président américain Donald Trump, les Européens avaient continué d'acheter des produits en provenance des Etats-Unis. La part des ventes des marques américaines se montait alors à 17,5%, soit à peine moins que pour le même mois de l'année précédente (18,3%).
Hendrik Blijdenstein, directeur commercial de Digitec Galaxus, explique le flop du boycott par l'ignorance. "De nombreuses marques américaines n'en ont pas les consonances, comme Le Petit Marseillais qui appartient au groupe américain Johnson & Johnson, le chocolat Milka qui fait partie du groupe Mondelez de Chicago ou encore Monsieur Propre qui appartient à Procter & Gamble de Cincinnati", écrit-il sur le site de l'entreprise.
L'attachement émotionnel aux produits étasuniens peut aussi expliquer la réaction hésitante des consommateurs. "Pour beaucoup, des marques comme Apple ou Nike relèvent du mode de vie et sont donc plus fortes que les positions politiques", affirme M. Blijdenstein.
Contactés par l'agence AWP, McDonald's Suisse et Coca-Cola Suisse n'ont constaté aucune différence au niveau de leurs ventes depuis l'introduction des droits de douane américains. De son côté, Swisscom n'a pas enregistré de hausse des résiliations d'abonnements Netflix.
Pour Tesla, la réalité est en revanche plus difficile. Sur les sept premiers mois de 2025, les ventes du constructeur automobile américain ont plongé, selon les données de l'association faîtière des importateurs automobiles Auto-Suisse. Sur cette période, 3229 véhicules électriques ont été mis en circulation, en chute de 42% par rapport à la même période de l'année précédente.
L'économie suisse pénalisée
Il est de toute façon très compliqué de s'affranchir entièrement des marques américaines, surtout en informatique. "Remplacer les services de Google ou Microsoft par une alternative est bien plus difficile que de ne plus manger chez McDonalds", affirme Philip Balsiger, professeur de sociologie à l'Université de Neuchâtel et spécialiste des processus de contestation des marchés.
Une mise à l'index est, de plus, rarement suivie d'effets économiques. "C'est moins le chiffre d'affaires d'une marque que sa réputation qui pâtit d'un boycott", estime M. Balsiger. Exception faite du Canada. "La mobilisation a été très grande dans ce pays, incluant les gouverneurs, et a concerné un nombre de produits américains bien plus important que n'en sont importés en Suisse", explique le spécialiste.
L'arme du boycott est également à double tranchant, notamment dans l'alimentation et la restauration. La majorité des ingrédients utilisés pour fabriquer un produit "typiquement américain" proviennent en réalité de Suisse, comme le rappellent Coca-Cola et McDonald's.
"Coca-Cola est produit et distribué en Suisse par Coca-Cola HBC Suisse, une entreprise dont le siège social est à Steinhausen, dans le canton de Zoug, et qui possède des sites de production à Dietlikon, dans le canton de Zurich, et à Vals, dans les Grisons. Environ 95% de nos ingrédients proviennent de fournisseurs suisses. Cela inclut l'eau potable et minérale, le gaz carbonique et le sucre", détaille Reyn Ffoulkes, directeur de la communication chez Coca-Cola Suisse.
Idem chez McDonald's Suisse. "Plus de 85% de nos ingrédients proviennent de fournisseurs suisses, ce qui fait de nous un partenaire solide de l'économie et de l'agriculture locales. Plus de 6000 agriculteurs nous livrent chaque année", souligne un porte-parole, ajoutant que "cet ancrage local en Suisse est au coeur de l'identité de McDonald's Suisse depuis bientôt 50 ans".
Boycotter un produit américain reviendrait par conséquent à pénaliser des entreprises et producteurs suisses. Pour Philip Balsiger, "c'est le propre des économies mondialisées".
Auteur : Agence Télégraphique Suisse (ATS)
