Main Content
Le National rejette l'initiative sur l'alimentation
17.12.2025 – La Suisse n'a pas besoin de prendre plus de mesures pour assurer sa sécurité alimentaire. Le National a tacitement rejeté mercredi l'initiative sur l'alimentation, jugée trop extrême. Tous les partis étaient contre. L'idée d'un contre-projet, proposée par la gauche et le PVL, a aussi fait chou blanc.
L'initiative populaire, déposée par un comité citoyen, demande notamment d'adapter la politique agricole, afin d'encourager la production et la consommation de denrées alimentaires végétales plutôt qu'animales.
Le texte veut également augmenter le degré d'autosuffisance de la Suisse, pour le faire passer de 46% à au moins 70%, préserver les ressources en eau souterraine et promouvoir une agriculture et un secteur agroalimentaire durables. Ces exigences doivent être atteintes dans un délai de dix ans.
Initiative déconnectée de la réalité
Le texte permet une discussion nécessaire, mais les moyens proposés sont inadéquats, a estimé Martine Docourt (PS/NE). L'évolution vers une agriculture plus végétale doit être progressive, selon elle. Tout le monde s'est accordé pour dire que le délai de dix ans était irréaliste.
Le taux d'auto-suffisance de 70% a aussi été critiqué. Ce taux n'a été atteint qu'une fois par la Suisse. C'était pendant la Seconde Guerre mondiale alors qu'il y avait 4 millions d'habitants et le rationnement alimentaire, a-t-il été souligné.
Le taux actuel de 46% reflète ce que la réalité du terrain et les caractéristiques topographiques du pays permettent, a encore indiqué Olivier Feller (PLR/VD) pour la commission. Dans de nombreuses régions, où les surfaces sont trop pentues, l'élevage est la seule façon d'exploiter un terrain, a complété Thomas Stettler (UDC/JU).
Il a dénoncé une initiative déconnectée de la réalité. Benjamin Roduit (Centre/VS) a parlé de "décalage de plus en plus grand entre villes et campagnes".
Transformation drastique
Les habitudes de consommation devraient être revues. Or la liberté de choix doit être laissée à la population. "Une Suisse qui mange suisse oui, mais une Suisse qui mange libre, pas une Suisse où l'Etat réécrit le menu", a lancé Céline Amaudruz (UDC/GE). Plusieurs élus de droite ont dénoncé une initiative idéologique qui veut imposer le véganisme.
Il faudrait aussi transformer drastiquement la production agricole et la chaîne agro-alimentaire. Pour ce faire, l'Etat devrait injecter massivement des moyens financiers pour amortir les investissements, ont relevé divers orateurs.
Irrespect envers les agriculteurs
Plusieurs élus ont parlé d'irrespect envers le monde agricole. Le texte ne parle pas des paysannes et des paysans, a avancé Rudi Berli (Vert-e-s/GE). Les agriculteurs sont, encore une fois, jugés responsables de tous les maux environnementaux, a lancé Sidney Kamerzin (Centre/VS). Ce alors qu'ils font déjà beaucoup d'efforts en faveur de la durabilité et de la biodiversité, a complété Simone de Montmollin (PLR/GE).
Rudi Berli s'est positionné en faveur d'un élevage diversifié, dans l'économie circulaire naturelle. Les animaux dans les pâturages favorisent aussi la biodiversité. Plusieurs élus ont dit non à de grandes monocultures comme à l'étranger. Pas question non plus de figer les évolutions technologiques dans l'agriculture. Céline Weber (PVL/VD) a encore refusé le tourisme d'achat "qui s'en frotterait les mains".
Contre-projet rejeté
La gauche et le PVL étaient aussi opposés à l'initiative. Mais ils jugeaient l'idée bonne, c'est pourquoi ils souhaitaient un contre-projet direct limité à la préservation des écosystèmes et de la biodiversité ainsi qu'à la protection de la qualité des eaux, de la fertilité des sols et de la biodiversité.
Le contre-projet ne devait contenir aucun délai. Les thématiques devaient être intégrées dans le cadre de la politique agricole à partir de 2030 (PA30+). Sans succès.
Le Conseil fédéral rejetait aussi l'initiative, sans contre-projet. Ce rejet ne signifie pas que le gouvernement ne prend pas en compte les préoccupations des citoyennes et des citoyens, a indiqué le ministre de l'agriculture Guy Parmelin. Selon lui, la Constitution fédérale permet déjà de "diriger la politique agricole dans la bonne direction". Des demandes de l'initiative seront intégrées dans les travaux sur la PA30+, a assuré M. Parmelin. Un sujet sur lequel le Conseil fédéral se penchera l'année prochaine.
Pas à l'abri de crises
L'initiative "Pour une alimentation sûre - grâce au renforcement de la production indigène durable, à davantage de denrées alimentaires végétales et à une eau potable propre" (initiative sur l'alimentation) a été déposée le 16 août 2024. Elle émane de Franziska Herren, de l'association "De l'eau propre pour tous", et de six autres personnes. Mme Herren était déjà la cheville ouvrière de l'initiative sur l'eau potable, rejetée en juin 2021.
Pour les initiants, la Suisse ne peut pas garantir la sécurité alimentaire de sa population si les importations disparaissent. Et elle n'est pas à l'abri de crises qui menacent l'approvisionnement depuis l'étranger.
Le National avait entamé les débats sur l'initiative mercredi passé. Le dossier part au Conseil des Etats.
Auteur : Agence Télégraphique Suisse (ATS)
