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Page d’histoire – La Première Guerre mondiale provoque une saignée dans le monde paysan
02.11.2018 – En France, près de 50% des pertes militaires proviennent du monde rural.
(ATS/AGIR) - Les paysans, majoritaires dans la société française du début du XXe siècle, ont payé un lourd tribut à la Première Guerre mondiale. "Le sacrifice des paysans à l'effort de guerre fut immense, car ils ont majoritairement combattu comme fantassins en première ligne", écrit l'historien Eric Alary dans l'ouvrage "L'histoire des paysans français" paru en 2016 (Perrin). Près de 50% des pertes militaires proviennent du monde rural, une saignée dans les campagnes.
Après 1918, le monde paysan "ne sera plus jamais comme avant", non seulement il lui faudra panser ses plaies, relancer l'agriculture pour nourrir le pays, mais aussi "prendre conscience que certaines évolutions sont indispensables", souligne l’historien. Plus de trois millions d'hectares de terres agricoles sont détruits dans les combats, rappelle par ailleurs Dominique Kalifa, enseignant à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, dans "1918, la paix inachevée" paru en octobre 2018 dans la revue Histoire et civilisations.
En revenant à la ferme, les "gueules cassées" de 1914-1918, retrouvent leurs femmes ou leurs mères, qui en leur absence ont fait fonctionner la maisonnée, nourri le bétail, organisé les productions agricoles et vendu les récoltes pendant quatre ans. Selon l'"Histoire de la France rurale", ouvrage dirigé par Georges Duby et Armand Wallon, un tiers des familles agricoles sont alors dirigées par une femme du fait de la mobilisation au front des hommes de 20 à 45 ans. Ainsi, entre 1906 et 1921, la population active féminine dans l'agriculture s'accroît de 20%, soit 600'000 femmes supplémentaires impliquées dans la gestion des fermes, souligne Eric Alary.
Un autre changement majeur portera sur la forte réduction du nombre d'exploitations (-30% entre 1892 et 1929), la quasi-disparition des exploitations de moins d'un hectare, la croissance des exploitations de taille moyenne, et la réduction continue de l'importance des grands domaines terriens d'avant-guerre. Mais la modernisation, via l'accès à la mécanisation et aux engrais industriels, sera très lente, malgré une intense propagande de l'entreprise Les Potasses d'Alsace, revenue dans le giron français, pour inciter les cultivateurs à mieux utiliser les engrais chimiques. Contrairement aux pays voisins, l'agriculture française, conservatrice, reste attachée à ses traditions, et aux petits propriétaires, les grands remembrements fonciers étant repoussés aux années 1960 et 1970.
Après la guerre, c'est sans doute au moins trois millions d'hectares que les paysans français laissent encore au repos (jachère), ce qui témoigne selon Georges Duby "de la lenteur avec laquelle l'agriculture française abandonne les pratiques culturales traditionnelles pour utiliser les moyens modernes de reconstitution de la fertilité des sols".
Sur le plan politique et social, le 30 juin 1919, le congrès de l'agriculture française ne parviendra pas à réunir les deux grandes institutions représentatives: la société des agriculteurs de France, qui rassemble plutôt de grands propriétaires classée à droite, et la société nationale d'encouragement à l'agriculture, plus radicale, fondée avec Léon Gambetta et les républicains, insistant sur les nécessités d'accès à la terre pour tous, la création de coopératives, de mutuelles et de caisses de crédit. La restructuration d'une profession décapitée par le conflit est néanmoins lancée. Tous les grands organismes, encore existants aujourd'hui, apparaissent dans l'immédiat après-guerre. L'office national du Crédit Agricole naît en 1920. L'ancêtre de l'institut national de la recherche agronomique (INRA) est créé en 1921, ainsi que la puissante coopérative des planteurs de betteraves. En 1924, arrivent la coopérative des producteurs de blé et les chambres d'agriculture.
Auteur : ATS/AGIR
