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160 ans pour Bolle, et des projets plein la cave malgré un marché en repli
Producteur de vins installé à Morges depuis 1865, la Maison Bolle est l’un des piliers du paysage viticole vaudois. Connue pour ses crus issus de domaines historiques comme Sarraux-Dessous ou Le Plessis, elle reste solidement ancrée dans la région. Il y a dix ans, elle célébrait ses 150 ans en grande pompe: une semaine de festivités dans les jardins du Château de Morges, avec concerts, dégustations et portes ouvertes.
Cette année, pour ses 160 ans, Bolle a choisi une célébration plus discrète: une «journée d’anniversaire» sur invitation et le lancement d’une cuvée mousseuse en édition spéciale. Il s'agit d'un brut de Pinot noir, baptisé «Cuvée Alphonse», en hommage au fondateur. Il a été élaboré avec la Maison Mauler de Môtier (NE) selon la méthode traditionnelle, comprenant une seconde fermentation en bouteille suivie d'un long vieillissement sur lies.
Mais si la fête est plus sobre, c’est aussi parce que le contexte viticole est moins réjouissant. Selon l’Office fédéral de l’agriculture, la consommation de vin en Suisse a encore reculé en 2024, atteignant 218,4 millions de litres, soit une baisse de 7,9%. Les vins suisses sont les plus touchés, avec une chute de 16% par rapport à l’année précédente.
Une maison enracinée, mais en mouvement
Fondée presque par hasard, la Maison Bolle doit sa naissance à une erreur de parcours: en route pour Vevey, Alphonse Bolle, originaire du Val-de-Travers, s’arrête à Morges. Il est séduit par la ville et reprend un commerce de vin orné d’une enseigne à la licorne. En 1895, il officialise l’aventure en fondant « A. Bolle & Cie ». La maison s’étoffe ensuite avec l’acquisition de Sarraux-Dessous (1932) et du Plessis (1945), deux domaines qui jouent encore un rôle central dans sa production.
Aujourd’hui, Bolle reste indissociable de Morges. Si la partie commerciale est passée sous l’égide de Schenk Family, les bâtiments et domaines appartiennent toujours à la Fondation Bolle. L’Œnothèque La Licorne, vitrine des crus maison mais aussi de vins suisses et internationaux, illustre ce lien entre enracinement local et ouverture assumée. Ce lieu emblématique est aussi un point de vente directe, ancré dans la ville.
Depuis 2021, la maison Bolle est dirigée par Jean-François Crausaz, arrivé dans l’entreprise il y a 28 ans comme maître-caviste. Il pilote la vinification des quatre domaines principaux: Sarraux-Dessous à Luins, Le Plessis à Vufflens-le-Château, le Domaine de la Ville de Morges et le Château de Vufflens.
Des nouveautés pour 2025
La Cuvée Alphonse ne sera pas la seule actualité de 2025. En août, Bolle lancera La Licorne Divico, un rouge issu de cépages résistants (PIWI), qui marque une volonté de durabilité sans compromis sur le goût. En novembre, ce sera au tour du Monoceros 2023, cuvée haut de gamme en série limitée, clin d’œil à la constellation de la Licorne, emblème de la maison.
Ces lancements répondent à un objectif clair: préserver l'identité tout en faisant évoluer l’offre. Le Divico, qui est peu exigeant en traitements, reflète l’attente croissante du public pour une viticulture plus responsable. Dans un marché en recul, les producteurs doivent reconquérir des consommateurs devenus plus sélectifs, et séduire une jeune génération moins attachée aux codes classiques du vin. Se réinventer sans renier ses racines: un équilibre que Bolle cherche à maintenir.
Un rôle local affirmé
Mais Bolle n’est pas une entreprise tournée sur elle-même. Membre actif de l’Association pour la Promotion des Vins des Morges, elle participe à de nombreuses manifestations, dont la Fête de la Tulipe et le salon Divinum. Des rendez-vous qui sont autant d’occasions de faire rayonner les crus locaux et de mettre en avant que la vigne, à Morges, fait partie intégrante du tissu social et économique de la région.
À travers ses choix stratégiques – cépages résistants, vinification haut de gamme, partenariat ciblé avec Mauler – Bolle défend une certaine idée du vin vaudois: enracinée, exigeante, sans fioriture. À l’image de son Œnothèque, installée dans un bâtiment chargé d’histoire, mais où l’on parle aujourd’hui de nouveaux publics et circuits courts.
Pascale Bieri/AGIR
