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40 ans à rapprocher l’école et la campagne
L’école à la ferme (EàF) fête cette année son 40e anniversaire. Un cap symbolique pour ce programme qui est devenu, au fil des ans, un acteur reconnu de l’éducation en Suisse. Pour marquer l’événement, des manifestations sont prévues dans plusieurs cantons, avec notamment une participation à Swissdidac Berne - le plus important salon professionnel suisse de l’éducation, organisé à BERNEXPO - du 19 au 21 novembre 2025.
Côté francophone, c'est l’Association romande L'école à la ferme qui orchestre l'anniversaire, conjointement au Marché paysan, lui aussi quadragénaire. Pour l'occasion, une grande fête aura lieu à Vufflens-la-Ville (VD), les 5 et 7 septembre, où quelque 3'000 visiteurs sont attendus.
Un programme pionnier
Petit saut en arrière. Le concept de L'école à la ferme (EàF) voit le jour dans les années 1970–1980, alors qu'un fossé entre monde rural et citadin se creuse. L’agriculture se mécanise, les supermarchés sont de plus en plus nombreux et beaucoup d’enfants grandissent sans savoir d’où viennent le lait, le pain ou les légumes.
Quelques agriculteurs décident alors d’ouvrir leurs portes aux classes. Avec cet objectif, simple: remettre les enfants au contact du vivant, des saisons et de l’origine de leurs aliments. L’aventure «s’officialise» en 1985 et depuis, EàF est devenu un programme d’envergure nationale, structuré et reconnu. En Suisse romande, il s’appuie sur l’Association romande L'école à la ferme, qui coordonne le réseau francophone, accompagne la formation des prestataires et veille à la qualité des animations.
Aujourd’hui, L’école à la ferme regroupe plus de 400 exploitations en Suisse (96 en Suisse romande). "Au niveau romand, plus de 19'000 élèves viennent chaque année sur nos fermes, et 66'000 au niveau national", souligne Yaël Dumauthioz, responsable cantonale pour Vaud. "Ce sont les chiffres 2024, et ils évoluent de manière assez continue. Dans le canton de Vaud, l’augmentation cumulée depuis 2020 est de l’ordre de 25 à 30 %."
Un cadre pédagogique clair, adossé au PER
L’école à la ferme n'est donc pas une «sortie sympa» de plus: c’est une vraie démarche pédagogique construite, conforme au Plan d’études romand (PER). Avant la visite, les enseignants préparent les thèmes (alimentation, cycles du vivant, sciences, lien homme-nature). Sur place, l’apprentissage passe par l’expérience et les sens: observer un troupeau, identifier les cultures, comprendre le sol, suivre le trajet du lait, cuisiner un produit de saison, dans l’esprit de la devise de l’association: «découvrir – expérimenter – apprendre».
Puis, de retour en classe, les observations sont mises en perspective avec les savoirs. "Le programme fait de nombreux liens avec le PER pour les cycles 1, 2 et 3. Mais il n’est pas obligatoire: les enseignants choisissent d’y aller ou non, selon leurs priorités et celles des directions d’école. Mais l’objectif est que chaque élève puisse, une fois dans sa scolarité, vivre l’expérience de L’école à la ferme", précise encore Yaël Dumauthioz.
Combien ça coûte et les freins qui demeurent
Dans cet objectif, EàF défend une tarification accessible, avec des recommandations minimales de l’ordre de 100 CHF la demi-journée et 200 CHF la journée par classe (hors transport). Concrètement, cela correspond à environ 5 francs par élève pour une demi-journée - 10 francs pour une journée entière - avec des options possibles (cuisine, goûter, repas). Ce qui est abordable, toutefois les enveloppes des classes sont de plus en plus limitées.
S’ajoute un frein logistique de poids: le transport. "C’est souvent un problème, car dans la plupart des quartiers urbains, il n’y a plus de fermes à proximité, ce qui implique de parcourir de nombreux kilomètres pour se rendre sur une exploitation. Il faudrait que les Départements des transports soient également un partenaire d’Eàf, car aujourd’hui, il n’y a pas de soutien financier pour les déplacements", regrette la responsable vaudoise, ainsi que l'ensemble des responsables EàF et les prestataires.
Les chiffres qui comptent
Cela étant, portée par l’engagement des familles paysannes, la fréquentation de L’école à la ferme progresse. "Pour l’instant, on parvient à répondre à la demande, d’autant qu’il y a régulièrement de nouvelles fermes qui veulent adhérer. Certaines accueillent beaucoup, d’autres une à deux fois par semaine: l’offre est diversifiée et s’ajuste localement", souligne Yaël Dumauthioz.
La variété fait d'ailleurs partie de la richesse des accueils: chaque ferme a une offre différente, en fonction de ses productions, de sa sensibilité, de ses animaux, de ses cultures. Du coup, même avec du matériel pédagogique identique, l’expérience n’est jamais la même.
Des formats souples, du «suivi des saisons» aux ateliers
Si la visite «classique» reste le format le plus courant (demi-journée ou journée), EàF encourage aussi des suivis sur l’année. Des classes reviennent jusqu’à quatre fois pour suivre les saisons d’une culture ou d’un verger. Ce qui peut être dans la même ferme ou dans plusieurs, selon les thèmes.
L’édition anniversaire reflète cette diversité: à Vufflens-la-Ville (VD), le vendredi 5 septembre sera réservé à des classes invitées de la région. "Ce sera L’école à la ferme, un peu autrement… on n’est pas sur une exploitation, mais on amènera du matériel et des animaux pour plusieurs ateliers." Parmi ceux-là: «les animaux de la ferme», «la vie du sol», «la poule et ses œufs», «les cultures de saison» et «les fruits du verger». Nous accueillerons une dizaine de classes, allant de la 2P à la 6P», précise encore Yaël Dumauthioz, qui fait le lien entre le comité de l'association romande EàF et l’organisation de Marché paysan.
Le dimanche 7 septembre, ces différents ateliers s’adresseront aux enfants et au grand public, qui pourront également profiter, sur place, des nombreux stands et animations proposés par le Marché paysan www.marchepaysan.ch.
Donner de la visibilité au programme
Au-delà de la fête, EàF multiplie les relais auprès du monde scolaire: présentations dans les Hautes écoles pédagogiques (HEP), participation à des événements d’éducation, liens avec les cellules «Durabilité». "Beaucoup d’enseignants n’ont pas encore tenté l’expérience, ou ne savent pas que l’accès est simple. Notre travail, c’est aussi de le rendre visible et de faciliter l’organisation", résume Yaël Dumauthioz.
Pascale Bieri/AGIR
Pour en savoir plus sur L’école à la ferme et le programme des 40 ans : www.ecolealaferme.ch

