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Les articles d'AGIR
Accompagner la transformation de nos structures agricoles
Parmi les premières intervenantes du jeudi après-midi, Christina Bachmann-Roth, chasseuse de têtes et politicienne du Centre, a évoqué les profonds changements qu'entraînent les mutations structurelles dans le monde du travail.
D'un parcours professionnel linéaire à la flexibilité
Autrefois, les gens restaient souvent dans la même entreprise, voire au même poste, dès le début de leur vie professionnelle, et les parcours professionnels étaient tout tracés. Aujourd'hui, en revanche, le monde du travail est caractérisé par la mobilité, la spécialisation et le changement permanent, selon Christina Bachmann-Roth.
Quand les artisans manquent
Un exemple tiré de son quotidien de chasseuse de têtes: un électricien de réseau, qui était passionné par la construction de lignes électriques, a été encouragé par son patron à postuler comme chef de projet – et a ainsi rejoint le bureau. "Nous avons désormais un électricien de réseau en moins, que j'ai ensuite dû rechercher. Et c'est un fait. Je recrute certes aussi des PDG, mais la plupart du temps, je recherche des spécialistes, des artisans", explique Christina Bachmann-Roth. D'ici 2040, il pourrait manquer environ 430’000 personnes actives sur notre marché du travail. Et dans l'agriculture, le changement structurel est très similaire à celui observé dans l'ensemble de l'économie. Au cours des cinq prochaines années, 7’000 chefs d'exploitation atteindront l'âge de la retraite.
La démographie, un point crucial
Dans le même temps, la société ressent partout les effets de l'évolution démographique: baisse du nombre d'enfants, pénurie de main-d'œuvre qualifiée, augmentation de l'espérance de vie et pression croissante sur la génération intermédiaire. Chaque année, le marché du travail suisse manque d'environ 30’000 personnes actives, un déficit qui n'est actuellement comblé que par l'immigration. "C'est un fait, même si cela fait l'objet d'un débat politique controversé", a souligné Christina Bachmann-Roth.
Les solutions se trouvent dans la société et la politique
La question est maintenant de savoir comment la société doit réagir. Il est essentiel d'améliorer les conditions cadres pour les familles, par exemple en développant les écoles à horaire continu et en répartissant plus équitablement le travail rémunéré et les tâches domestiques entre les hommes et les femmes. La valorisation de l'artisanat, des soins et de l'agriculture doit également se refléter dans la structure salariale.
"Chaque génération a sa mission"
Malgré tous ces problèmes, Christina Bachmann-Roth a mis en garde contre le pessimisme: "Nous avons l'un des taux de chômage les plus bas au monde et un taux d'activité supérieur à 80%. C'est un énorme succès." Il est important que les générations continuent à dialoguer et à assumer leurs responsabilités.
Comme l'a mentionné Christina Bachmann-Roth, l'agriculture suisse connaît depuis des années une mutation structurelle continue, mais celle-ci est plus lente que dans les pays voisins, comme l'a expliqué Pierrick Jan de l'institut de recherche Agroscope.
Moins d'exploitations, des surfaces plus grandes
En substance, le changement structurel signifie moins d'exploitations, mais des surfaces plus grandes par ferme. Depuis 2000, environ 1,7% des exploitations agricoles disparaissent chaque année en Suisse. En 1999, il y avait près de 68’000 exploitations, contre 43’700 en 2024.
Dans les pays voisins comme l'Allemagne, l'Autriche, la France ou l'Italie, cette réduction est nettement plus rapide. Conséquence: la Suisse reste plus fragmentée en comparaison internationale. Dans le Land allemand voisin du Bade-Wurtemberg, la taille moyenne des exploitations est passée de 19,4 hectares en 1999 à 37,7 hectares en 2024. En Suisse, elle est passée de 15,3 hectares à 23,5 hectares.
Les économies d'échelle génèrent des revenus plus élevés
Selon Pierrick Jan, cela a des conséquences sur la compétitivité: "Les grandes exploitations génèrent en moyenne des revenus nettement plus élevés par unité de travail familial. Dans une exploitation laitière de montagne, la médiane est de 28’305 francs pour une exploitation de 10 à 20 unités de gros bétail (UGB), contre 51’602 francs pour une exploitation de 40 à 70 UGB, soit 82% de plus."
Des exploitants plus âgés, une succession incertaine
Autre constat: les exploitants sont de plus en plus âgés. Depuis 1999, leur âge moyen est passé de 47 à 51 ans. Aujourd’hui, une exploitation sur trois est déjà dirigée par une personne de plus de 55 ans. Il faut donc s’attendre à de nombreuses cessations d’activité au cours des dix prochaines années. Il n’est pas certain qu’il y ait suffisamment de successeurs.
La numérisation et l'agriculture de précision renforcent la pression. De nombreuses technologies ne sont rentables qu'à partir d'une certaine taille d'exploitation. Les petites exploitations ont le choix entre coopérer ou courir le risque de ne plus pouvoir suivre le rythme.
Opportunités et risques liés au changement
Agroscope y voit à la fois des risques et des opportunités: le changement de génération à venir pourrait conduire à une consolidation qui améliorerait la situation financière de nombreuses exploitations. En même temps, il offre la possibilité d'utiliser le changement structurel à des fins politiques, par exemple pour la transformation vers un système agricole et alimentaire plus durable.
L'avenir dépend de nombreux facteurs
Selon Pierrick Jan, les attentes de la jeune génération seront déterminantes, et elles sont les suivantes: de meilleurs revenus, un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, et un allègement des charges administratives. Les conflits commerciaux internationaux, la politique agricole et les comportements de consommation jouent également un rôle.
"Dans l'ensemble, l'environnement est devenu plus incertain", explique Pierrick Jan. "La capacité des chefs d'exploitation à gérer les risques et les imprévus devient donc plus importante."
Jonas Ingold/LID
La jeune génération veut une agriculture stable et productive
La jeune génération de l'agriculture suisse se prononce clairement en faveur d'une politique agricole productive, diversifiée et pérenne. Les préoccupations des jeunes agriculteurs coïncident en grande partie avec celles des générations précédentes. Telles sont les conclusions d'un travail semestriel réalisé par deux étudiants en licence à la BFH-HAFL.
Souhait d'une sécurité de planification
Au cœur de leurs préoccupations figurent le souhait de prix stables à la production et d'une organisation fiable du marché, a déclaré Jonas Zürcher, qui a mené cette étude en collaboration avec Muriel Reimers. Les jeunes chefs d'exploitation soulignent l'importance des mesures de protection douanière et des instruments de contribution existants. "Il est important de ne pas modifier constamment les systèmes, mais de mettre en place des mesures durables", telle est l'une de leurs revendications.
La diversité plutôt que le changement à tout prix
Les jeunes agriculteurs se prononcent également en faveur d'une production alimentaire diversifiée, mais se montrent sceptiques face à des changements rapides de système ou à des revirements radicaux dans la politique agricole. Les personnes interrogées souhaitent plutôt une évolution axée sur la stabilité et la fiabilité.
Consensus entre les générations
Selon Muriel Reimers, il est surprenant de constater à quel point les opinions de la jeune génération correspondent aux résultats d'une enquête menée à l'échelle nationale par l'USP. Les jeunes agriculteurs comme la génération plus âgée considèrent que la garantie du degré d'autosuffisance et une politique de marché fiable sont des priorités.
L'accès aux exploitations reste un sujet d'actualité
En ce qui concerne la reprise des exploitations agricoles, il est apparu que les jeunes souhaitent un accès plus facile aux exploitations non familiales. À leur avis, il pourrait également être plus facile à l'avenir pour les investisseurs de mettre en place des structures et de se lancer dans l'agriculture.
La formation, un élément clé
Outre les questions liées au marché et aux structures, la formation est une préoccupation centrale. De nombreux futurs chefs d'exploitation se sentent insuffisamment préparés aux défis administratifs et financiers liés à la gestion d'une exploitation.
JI/LID
