Malgré cette mise à jour, une spécificité reste accordée aux boissons alcoolisées: contrairement aux autres produits, tous les éléments ne doivent pas obligatoirement figurer en clair sur l’étiquette physique. Seule la valeur énergétique (en kcal/kJ pour 100 ml) doit apparaître en clair. Les autres informations peuvent figurer dans un QR code.
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Exporter du vin en Europe? Il faut désormais passer par le QR code
C’est un changement discret, mais déjà visible. Les premières bouteilles de vin millésimées 2024 commencent à arriver sur le marché européen avec un élément nouveau: elles doivent désormais afficher leur valeur énergétique et la liste de leurs ingrédients. Cette obligation, adoptée par Bruxelles en 2021, entre concrètement en vigueur avec la mise en vente des nouveaux millésimes. Une évolution que les professionnels suisses de la filière suivent avec attention. Car même si le droit national ne l’impose pas (encore), toute exportation vers l’UE doit s’y conformer.
1% des vins suisses exportés vers l'UE
La nouvelle réglementation européenne s'applique donc aux vins produits après 2023. Autrement dit, les millésimes 2024 - vins tranquilles (sans bulles), mousseux, liquoreux (porto) ou aromatiques (sangria) -sont les premiers à devoir intégrer sur leur étiquette, ou via un QR code, ces différentes mentions: la valeur énergétique (en kJ et kcal) ainsi que la liste des ingrédients.
Pour les producteurs suisses, cela signifie qu’un vin destiné à l’export vers l’UE doit respecter cette norme sous peine de refus de commercialisation. Ce qui représente environ 1% de la production helvétique.
La fin d’un régime d’exception
L'obligation d'afficher les valeurs nutritionnelles et les ingrédients n'est toutefois pas nouvelle. Depuis 2011, ces différents éléments doivent figurer sur les denrées alimentaires transformées. Cependant, jusque-là, le vin bénéficiait d’une dérogation dans le droit européen
"Cette exception a été levée pour les vins avec la révision du règlement en 2021. Les spiritueux et la bière échappent encore à cette obligation, mais les discussions se poursuivent. Le vin, lui, entre donc dans le régime général de transparence alimentaire, au même titre qu’un jus de fruit ou un plat préparé", explique Charles Lombrail, responsable Technique & Commercial chez Scantrust, société spécialisée dans les QR code sécurisés.
Ce QR code est toutefois soumis à des règles strictes: il doit être non traçant (sans cookies ni collecte de données), et figurer dans le même champ de vision que les mentions obligatoires (volume, alcool, allergènes).
Des obligations nationales supplémentaires peuvent également s’ajouter. En Allemagne et en Autriche, par exemple, la page accessible via le QR code doit comporter un Impressum (mention légale conforme au droit local). En Espagne ou en Italie, une consigne de tri doit y figurer. De plus, la page doit être conforme au RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), sans contenu promotionnel, accessible sans traçage, et rédigée dans une langue compréhensible par les consommateurs du pays concerné.
Des assouplissements techniques prévus
Par ailleurs, l’Union européenne a prévu quelques marges de manœuvre. Les producteurs peuvent utiliser des valeurs nutritionnelles moyennes issues de tables de référence, sans analyse systématique. Un vin sec à 12–15% d’alcool peut ainsi indiquer 88 kcal/100 ml.
Certains ingrédients peuvent être regroupés par fonction (par exemple «acide tartrique et/ou acide citrique»), à condition qu’au moins l’un d’eux figure réellement dans la bouteille. Les allergènes doivent être clairement signalés (généralement en gras). Et, sur l'étiquette, le QR code doit être accompagné d’un mot, tel que «ingrédient», pour signaler la possibilité de consulter la composition du produit.
En Suisse: obligation d’export, adaptation progressive
Pour le marché intérieur suisse, aucune obligation d’étiquetage nutritionnel ou de déclaration des ingrédients n’existe à ce jour. La réforme européenne n’a pas été transposée. En revanche, tout vin exporté vers l’UE — en vrac ou en bouteille — doit s’y conformer depuis décembre 2023.
Certains producteurs viticoles suisses, comme Schenk ou la Cave de La Côte, ont déjà adapté leurs étiquettes. Ils utilisent des plateformes spécialisées, comme ScanTrust, pour générer des QR codes conformes au RGPD, traduits et techniquement compatibles avec les exigences européennes. Pour éviter une double gestion d’étiquettes, certains choisissent d’unifier leur habillage, y compris pour les bouteilles destinées au marché suisse.
Ce choix reste volontaire, mais il anticipe une possible évolution du droit helvétique. Pour l'heure, à Berne, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) a indiqué qu’aucune décision sur une harmonisation ne serait prise avant 2026, laissant au Parlement le soin de se prononcer dans le cadre d’une révision plus large du droit alimentaire.
Pascale Bieri/AGIR

