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Genève–Saignelégier à cheval: deux adolescentes au pas des Franches-Montagnes
Âgées de 16 ans et 17 ans, Alicia et Aurélie consacrent une grande partie de leur temps à deux chevaux de la race Franches-Montagnes, hébergés à la ferme de Marsillon, à Troinex, dans la campagne genevoise. Depuis quatre ans, elles ont construit avec eux un lien basé sur la complicité, la patience, et l’observation - un lien qui les a conduites, cette année, à se lancer un défi original: rallier Genève à Saignelégier, au rythme des sabots de leurs montures.
Tous les quatre traverseront la Suisse romande en sept étapes d’environ 25 kilomètres chacune, du 31 juillet au 7 août, avec pour objectif d’arriver à temps au Marché-Concours de Saignelégier (JU), le rendez-vous emblématique du cheval Franches-Montagnes. Une aventure personnelle et logistique que ces deux grandes copines préparent depuis des mois avec méthode, dans un souci constant du bien-être de leurs chevaux, Craquant et Caramel.
Une expédition préparée au millimètre
Pour concrétiser ce projet «La Suisse à cheval», qui s'égrainera sur 160 km, Alicia et Aurélie ne laissent aucune place à l’improvisation. Elles ont envoyé plus de 200 mails pour trouver hébergements, partenariats et soutiens matériels. Et toutes les informations nécessaires au voyage sont scrupuleusement regroupées dans un classeur rouge. "On a été super surprises et contentes de recevoir autant de réponses positives", confient-elles. De fait, l'ensemble des étapes ont déjà été validées, avec des hébergements en ferme, et même une nuit d’hôtel offerte.
Deux éléments importants restent toutefois à régler à la mi-mai: l’approvisionnement en grains, et sa livraison d’étape en étape, pour nourrir quotidiennement les chevaux – afin d’éviter tout changement brusque d’alimentation – ainsi que le rapatriement des équidés à Genève, en van, après le Marché-Concours. "Actuellement, il nous manque environ 2'000 francs pour assurer ces frais ainsi que ceux des vaccins, des ferrages et quelques jours de vacances pour Craquant et Caramel dans une pension d'été au pré lors de notre retour", explique Alicia, qui vient de lancer une opération de financement participatif pour boucler le budget.
Les deux jeunes filles ont par ailleurs informé les organisateurs du Marché-Concours de leur venue, elles y resteront le temps de la manifestation, du 8 au 10 août. "Nous serons hébergées par une exploitation à 5 minutes du site. Mais nous aimerions aussi pouvoir faire connaître notre projet sur le lieu du Marché", confient-elles.
Une relation patiemment construite
Craquant et Caramel font partie intégrante de la vie d’Alicia et Aurélie depuis quatre ans, et, chaque jour, elles se rendent à vélo à la ferme de Marsillon pour s'occuper d'eux. "Les propriétaires pensaient qu’on resterait deux mois, mais on est toujours là", sourient-elles.
De plus, elles ont débourré elles-mêmes les deux chevaux. Ce qui n'a pas toujours été simple. Craquant, en particulier, avait été formé en monte western et présentait des troubles du comportement. "On a eu de gros moments de découragement, on pensait qu’on n’y arriverait jamais", se souvient Alicia. Mais à force de lectures, de recherches et de persévérance, les deux jeunes cavalières ont trouvé des solutions et appris à adapter l’équipement et les méthodes à leurs chevaux. "On voulait y arriver seules, par nous-mêmes."
Le résultat en est une grande complicité et un énorme attachement à ces deux équidés aux tempéraments bien différents. Caramel est calme et posé, Craquant reste toujours alerte et demandeur d’activité. Pendant deux ans, aucune sortie à l’extérieur n’a été tentée. Puis sont venues les premières balades de 20 minutes, suivies aujourd’hui de randonnées de 45 kilomètres. "Nos chevaux adorent sortir. Et nous aussi", disent-elles.
La découverte du cheval Franches-Montagnes a par ailleurs été une révélation. "Ce sont des chevaux hyper polyvalents. On peut faire du saut, de l’attelage, du travail aux champs ou partir en balade. Ils sont gentils, robustes, très proches des gens." Aucun des deux n’a jamais été malade. "Et ils nous ont appris bien plus que ce qu’on a pu leur apprendre", affirment-elles sans hésiter.
Deux parcours atypiques mais déterminés
Passionnée infatigable, Alicia a également créé sa propre micro-ferme à Gaillard, juste de l’autre côté de la frontière genevoise... il y a déjà huit ans, alors qu'elle en avait également huit. Sur les papiers, c'est son père qui est le locataire des terrains. Mais Alicia s'est toujours occupée de tout.Dans ce lieu, baptisé «La ferme du bonheur», elle recueille des animaux maltraités ou destinés à l’abattoir. Aujourd’hui, elle y héberge onze poules, sept chèvres et deux lapins. Elle vend ses œufs pour financer leur alimentation, et tire environ 250 euros par mois de cette activité. Son projet: transformer cet espace en ferme pédagogique centrée sur la zoothérapie. "J’accueille déjà des enfants pour des visites, mais j’aimerais aller beaucoup plus loin."
De son côté, Aurélie, qui prépare actuellement une maturité bilingue français-allemand, nourrit une ambition claire: devenir vétérinaire. "Ce sera ça et rien d’autre. Et si ça ne marche pas en Suisse, j’irai en France, ou ailleurs." Ensemble, elles prévoient de s’associer: Aurélie prendra en charge les soins, Alicia l’accueil.
Donner du sens à l’aventure
Au-delà du défi physique et logistique, les deux adolescentes veulent faire de leur périple à cheval un acte porteur de sens. "On adore l’aventure, mais on voulait aussi que ce projet ait du fond", explique Alicia. Le choix de Saignelégier ne doit donc rien au hasard, puisque c'est le berceau du cheval Franches-Montagnes, et que cette année, Genève est l’hôte d’honneur du Marché-Concours.
Les deux copines entendent également profiter de leur périple pour valoriser les produits locaux et parler de l'importance du bien-être animal, en profitant de leurs haltes dans des fermes. "On envisage de faire des petits reportages sur les exploitations qui vont nous accueillir", explique Aurélie.
Mais leur message est aussi personnel. Alicia, passionnée par l’agriculture et les animaux, évoque son passé scolaire difficile. Harcèlement, décrochage, manque de reconnaissance: "On m’a dit que je n’arriverais à rien, que c’était une illusion de croire qu’on pouvait vivre avec les animaux. Aujourd’hui, j’ai des projets, je vais faire une école dans le domaine du cheval et de la zoothérapie. Je veux dire aux jeunes qu’il faut croire en ses rêves. Il y a d’autres voies que les études classiques pour y arriver."
Aurélie, de son côté, souhaite mettre en avant le fait que la passion est un moteur, et que la rigueur n’est pas incompatible avec l’âge. "On veut aussi montrer que la relation entre les humains et les chevaux est indestructible."
Quant à leurs parents, ils suivent les passions de leurs filles d'un œil attentif. "Ils ne sont venus que quatre ou cinq fois à la ferme, mais ils nous font confiance, assurent les deux copines. Ils préfèrent qu’on fasse ça plutôt que passer nos journées sur nos téléphones." Et ils seront de la fête à Saignelégier
Pascale Bieri/AGIR
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