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Le coup de foudre d’un ado pour l’agriculture primé par l’USP
Chaque année, l’Union suisse des paysans (USP) remet, lors de son Assemblée des délégués, son traditionnel Prix Média, une distinction qui récompense des reportages consacrés au monde agricole dans les trois principales régions linguistiques du pays. Pour l’édition 2025, le prix romand a été attribué à Sarah Perrig pour "Mon tracteur à moi", un reportage réalisé pour l’émission Passe-moi les jumelles (RTS). Deux autres productions ont également été distinguées: "So funktioniert ein hochmoderner Bauernhof" de Luk von Bergen et Michael Brunner (SRF) pour la Suisse alémanique, et "Il lupo in Ticino si è “sbranato” 38 alpeggi" d’Andrea Stern (RSI / Corriere del Ticino) pour la région italophone.
Sarah Perrig, comment résumeriez-vous votre reportage en quelques mots ?
"Mon tracteur à moi" raconte le parcours d’Edy, un jeune Genevois qui a découvert le monde agricole lors d’un stage scolaire. Ce stage a été un véritable coup de cœur. Depuis, chaque jour après l’école, il retourne à la ferme de Marco Mathieu, à Jussy, où il participe aux différents travaux de l’exploitation et où on lui accorde une réelle confiance. Le film est construit comme un court-métrage: il suit le lien qui se tisse entre cet adolescent citadin et cette famille paysanne — Marco, son fils, les petits-enfants — ainsi que la manière dont ils l’accueillent. On accompagne aussi Edy dans son projet très concret: obtenir son permis de tracteur dès ses 14 ans.
Comment cette histoire vous est-elle parvenue et qu’est-ce qui vous donné l’envie d’en faire un reportage ?
C’est une habitante du village qui nous a envoyé un mail à Passe-moi les jumelles pour proposer ce sujet, parce qu’elle trouvait qu’il montrait une image positive d’un jeune vraiment investi, engagé dans sa passion. Comme nous étions tous pris par d’autres histoires, le message est resté en attente quelque temps. Et puis un élément a provoqué un déclic: l’idée de ce garçon de 14 ans qui part à 5h du matin sur son tracteur, traverse le pont du Mont-Blanc, pour aller passer son permis de tracteur à Vufflens-la-Ville, dans le canton de Vaud. Je me suis dit: “Ah mais c’est incroyable ce truc!” Pour moi, c’était complètement cinématographique. Ensuite, j’ai rencontré Edy et la famille de Marco Mathieu. J’ai trouvé des paysans généreux avec une intelligence du cœur qui m’a donné envie de raconter cette histoire.
Y avait-il un message que vous souhaitiez transmettre à travers ce reportage?
J’avais envie de montrer que lorsqu'on fait confiance à un jeune adolescent, on lui donne l'opportunité de développer le meilleur de lui-même. Avec Edy, plus on lui confie des responsabilités, plus il s’engage. Il y a aussi la question de la transmission. Dans cette famille, elle passe par le quotidien, par les gestes, par la présence de plusieurs générations ensemble. Edy, qui vient de la ville, entre dans ce rythme-là naturellement. Et puis cette histoire montre qu’on peut circuler entre des mondes différents. Ce jeune garçon crée un pont entre la ville et la campagne. Quand on ne reste pas enfermé dans des cases, beaucoup de choses deviennent possibles. Pour moi, c’est un sujet à la fois poétique — parce que l’histoire l’est — et politique, au sens d’une réflexion sur l’avenir.
Qu’est-ce que ce tournage vous a personnellement apporté ?
Ce sujet est un petit bijou: il y a différentes thématiques inspirantes. J'ai été touchée par les rencontres: Edy, sa manière d’être, ses parents, la famille de Marco Mathieu, mais aussi par la réalité et l'ouverture du monde agricole. Le tournage a demandé deux semaines de préparation, cinq jours sur le terrain et sept jours de montage. C’est toujours une très belle expérience humaine avec des défis comme celui de coordonner les images du drone à 5h30 du matin sur le pont du Mont-Blanc. Edy dans son tracteur, la camerawoman à côté, le droniste à l'extérieur, le preneur de son avec moi dans la voiture, le tout en une seule prise jusqu’à Vufflens-la-Ville. C’est du réel, presque du Hollywood. Et puis il y a la manière de travailler ensemble. On est toujours plus intelligents à plusieurs. C’est cela aussi que je garde: la dynamique de l’équipe et l’humanité du groupe.
Quel lien entretenez-vous, à titre personnel, avec le monde agricole ?
J’ai beaucoup de respect pour le monde agricole. C’est un métier essentiel, celui qui nous nourrit. Et il demande une énergie immense. J’habite en campagne, je le vois au quotidien. Faire un reportage comme celui-ci, cela rappelle également l’importance de ce travail et la nécessité de le soutenir.
Que représente pour vous le Prix Média de l’Union suisse des paysans ?
C’est une reconnaissance qui vient directement du terrain, de ceux qui vivent cette réalité chaque jour et ça me touche. Et puis cela dit aussi quelque chose sur l'importance du service public aujourd'hui. Pour moi, collaborer avec Passe-moi les jumelles, c’est un privilège parce que je côtoie des gens qui sont des exemples pour notre société, dans le sens où ils s'engagent vis-à-vis d'eux-mêmes à réaliser leur vie. Edy, du haut de ses 14 ans, fait partie de ces gens-là!
Votre parcours vous a menée de la photographie au documentaire. Comment cela se retrouve-t-il dans votre manière de filmer ?
J’ai étudié les lettres à Genève, puis j’ai fait l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles, avant de suivre les ateliers du documentaire à l’École de cinéma et télévision de La Havane. Mon premier documentaire portait sur les derniers zapatistes au Mexique, ceux qui ont brandi la bannière de la Terre et de la Liberté, en 1910. Ce parcours engagé m’a beaucoup appris et il continue à nourrir mon travail de réalisatrice à la RTS. Ce prix me touche d'autant plus aujourd'hui.
Découvrez le film de Sarah Perrig : « Mon tracteur à moi »
Pascale Bieri/AGIR

