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Les jeunes agriculteurs romands se préparent aux SwissSkills
Ce jeudi matin, cinq jeunes agriculteurs romands se retrouvent à l’école d’agriculture de Grangeneuve, à Posieux (FR), pour une journée d’entraînement. Quatre garçons et une fille, qui ont été sélectionnés parmi les meilleurs apprentis du pays, et qui représenteront leur métier aux SwissSkills, le championnat suisse des métiers. La manifestation se tiendra du 17 au 21 septembre sur le site de Bernexpo, à Berne. En amont, deux journées communes ont été organisées côté romand: la première à l’école d’agriculture de Grange-Verney (VD), la seconde à Grangeneuve. Objectif: arriver préparés, comprendre les attentes du concours et souder l’équipe.
"Le but, c’est qu’ils n’arrivent pas dans l’inconnu, qu’ils aient une idée de ce qui les attend, et aussi de créer une cohésion de groupe entre les candidats romands", explique Laurent Monney, co-organisateur de ces entraînements, avec des coachings qui vont au-delà de l'aspect technique. Il s’agit aussi d’apprendre à concourir sous le regard du public, avec des gestes sûrs, une organisation efficace et une communication claire, le tout dans un temps imparti.
36 jeunes agriculteurs, dont huit Romands
Pour cette quatrième édition des SwissSkills, plus d’un millier de jeunes tout juste diplômés s’affronteront dans des épreuves pratiques pour décrocher un titre national. L’édition 2025 prévoit 92 concours officiels et présentera plus de 150 métiers au public. Parmi les candidats, près de 200 Romands défendront les couleurs de leur région face aux Alémaniques et aux Tessinois. Dans la catégorie agriculteurs, la compétition s’annonce serrée: 36 jeunes, dont huit Romands, se mesureront dès le mercredi dans des épreuves couvrant l’ensemble du métier. À l’issue des trois journées éliminatoires, les neuf qui seront les mieux classés décrocheront leur ticket pour la grande finale du samedi 20 septembre, où se jouera le titre de champion suisse.
Esprit pratique et créativité
Mais avant le grand rendez-vous bernois, place aux entraînements. À Grangeneuve, la journée débute par une épreuve consacrée à la vente directe, avec la mise en place d’un stand de marché. Le coach, Emilien Bongard, plante le décor: "Le but, c’est d’avoir une présentation qui donne envie aux gens de s’arrêter et d’acheter, explique-t-il. Il faut concilier esprit pratique et créativité." Les cinq candidats testent la disposition des cagettes, l’harmonie des couleurs, la lisibilité des prix et la présentation en volume pour mieux capter le regard.
Kilian Laville, candidat jurassien, fait remarquer: "On n’a jamais fait ça, ce n’est pas évident." Puis, avec ses camarades, il analyse l’exercice qu'ils ont réalisé en commun, relève ce qui manque, ajuste l’implantation, pense au cheminement du client et à l’accès à la caisse. Après quelques conseils sur l’emplacement des fruits et légumes, la cohérence des gammes et la hiérarchie visuelle, le groupe constate un net progrès: "C'est beaucoup mieux", "là, ça commence à donner envie".
Compétence et gestion du stress
Deuxième exercice: la traite. Avant d’entrer en salle pour retrouver les vaches laitières, Olivier Pittet, enseignant à Grangeneuve, rappelle l’essentiel: hygiène, vérification du matériel, gestes précis, sécurité animale et humaine. Puis viennent d'autres aspects qui comptent aussi en concours: tenue adaptée, chaussures adéquates, timing, contrôle du stress. Bref, se présenter sous son meilleur jour, face aux juges. "Mais l’essentiel c’est de montrer ce qu’on fait dans une ferme, pas de faire le show", insiste encore l’enseignant. Autrement dit: pas d’esbroufe, de la rigueur.
L’après-midi bascule sur les machines agricoles. Premier passage: un parcours d’agilité en tracteur avec remorque de balles rondes. Il s’agit de charger et décharger des bottes de fourrage cylindriques et, entre deux, d’effectuer un tracé avec des obstacles, le plus rapidement possible et sans faute. Les gestes doivent être sûrs, l’anticipation fine, la vitesse maîtrisée. Les candidats enchaînent, comparent leurs trajectoires, corrigent des détails de maniement, gagnent en précision.
Dernier exercice: le travail à l’andaineur double – un engin qui permet de râteler le fourrage fauché –, en gérant la largeur, le suivi du relief, là aussi en s'affrontant sur un parcours d’agilité, à travers différents obstacles. Aux SwissSkills, seuls les finalistes s’affronteront sur cette épreuve-là.
Vivre une belle expérience
De nombreuses inconnues demeurent sur ce qui attend les candidats à Berne. "On connaît les six postes prévus, mais, hormis le parcours d’agilité et la traite, où il n’y aura pas beaucoup de surprise, on ne sait pas quelles seront les épreuves, il y a beaucoup de possibilités", explique Laurent Monney. D’où l’approche des journées d’entraînement: travailler les fondamentaux tout en préservant la capacité d’adaptation, essentielle le jour J.
Côté organisation, la préparation romande a évolué. "Pour les premières éditions, chaque école d’agriculture préparait son ou ses candidats, puis, en 2022, on a décidé de se regrouper pour organiser une journée de formation commune. Et, cette année, il y en a deux… nous montons en puissance", ajoute Laurent Monney.
Reste un certain contraste avec la Suisse alémanique: de l’autre côté de la Sarine, les SwissSkills ont pris une grande importance, avec des entraînements très poussés et une culture affirmée de la compétition. "Ca sera difficile pour nous d'atteindre la victoire, reconnaît encore Laurent Monney, mais notre objectif est avant tout de mettre l’agriculture à l’honneur, de montrer une belle image du métier et de donner envie à des jeunes de se lancer dans cet apprentissage. Pour les candidats, cette participation doit également être vécue comme une belle expérience."
Un plus pour l’avenir
Du côté des jeunes, la perception de cette aventure est déjà positive. Arnaud Bonjour, candidat neuchâtelois, confie: "Ces entraînements sont utiles, ça nous permet de réviser nos connaissances et de mieux nous rendre compte de ce qu’on attend de nous". La pression? Elle est bien présente, surtout avec le public: "Ce n’est pas pareil d’exécuter une tâche à la ferme et de la faire devant des personnes qui regardent et qui notent", confient Lily Beauverd et Théo Nyffeler, les deux candidats vaudois. La stratégie? "Y aller pour faire au mieux, apprendre, gérer son stress, progresser; pas forcément pour gagner à tout prix, mais pour vivre une expérience enrichissante."
D'ailleurs, la sélection a déjà valeur de tremplin, comme le relève Lino Dedelley, candidat fribourgeois: "Je suis très content de faire partie des sélectionnés. C’est une chance de pouvoir participer, de mettre en avant l’agriculture, de contribuer à en donner une belle image. Et, sur le plan professionnel, pouvoir dire qu’on a participé aux SwissSkills, c’est un plus. Pour le reste, on nous a beaucoup dit que les Alémaniques étaient très forts… on verra."
Pascale Bieri/AGIR
