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L’ouverture des marchés, une menace pour notre agriculture…
Lors de l’assemblée générale de l’Association suisse pour un secteur agroalimentaire fort, qui s’est déroulée hier à Berne, le président Walter Willener a rappelé que l’ASSAF-Suisse a contribué au succès de l’initiative de l’USP pour la sécurité alimentaire en éditant et en mettant à disposition pour la récolte de signatures, tant en Suisse allemande qu’en Suisse romande, son flyer d’information sur la sécurité alimentaire.
Walter Willener est également revenu, dans son rapport, sur le contre-projet direct du Conseil fédéral qui prévoit que la sécurité alimentaire peut être assurée par l’accès aux marchés agricoles internationaux. Il a rappelé que la formulation n’étant pas acceptable, l’association a décidé de la rejeter catégoriquement dans la consultation qui se termine. Le projet de prise de position de l’ASSAF-Suisse a été soumis et adopté à l’assemblée.
Trois études…
L’ASSAF a réalisé en 2014 trois études en lien avec les relations commerciales et agricoles: une étude comparative du soutien au secteur viticole en Suisse et dans l’Union européenne; une étude sur l’accord TTIP entre l’Union européenne et les USA; enfin, une étude sur les accords de libre-échange entre la Suisse et le Brésil. David Rütschi, secrétaire de l’ASSAF, en a présenté les grandes lignes.
- Concernant le secteur viticole, c’est en collaboration avec la SWEA (exportateurs de vins suisses), la FSV (Fédération suisse des vignerons) et la SEVS (Société des encaveurs de vins suisses), qu’une étude comparative des mesures dédiées à la promotion et au soutien de la branche viti-vinicole dans l’EU et en Suisse a été réalisée par un étudiant HEC de l’Université de Lausanne. Cette étude démontre que l’UE a doublé l’aide accordée à la promotion vers les pays tiers (dont la Suisse fait partie) pour la période 2014-2018, passant de 522 millions d’euros à 1’161 millions d’euros pour la période en cours. Elle met aussi en évidence que la nature des subventions accordées dans l’UE et les conditions d’octroi sont très intéressantes pour les producteurs européens et favorisent leur compétitivité sur les marchés.
- Un étudiant de la HES en économie d’Olten a analysé les conséquences potentielles d’un Accord TTIP EU-USA pour le secteur agroalimentaire suisse. Les résultats montrent les grandes différences dans les méthodes de production des denrées alimentaires entre la Suisse, l’UE et les Etats-Unis. Du côté de l’Union européenne, les produits agricoles transformés, plus particulièrement les produits laitiers, pourraient profiter de l’accord TTIP, notamment en raison du subventionnement important de l’industrie de transformation par l’UE. Le secteur agroalimentaire américain, très compétitif, revendique de son côté un vaste accès au marché européen dans le cadre de cet accord. L’ASSAF-Suisse estime que si des négociations de libre-échange avec les USA sont entreprises, le secteur agroalimentaire doit être exclu.
- Enfin, un autre étudiant de la HES d’Olten a analysé les chances et risques d’un accord de libre-échange avec le Mercosur pour le secteur agroalimentaire suisse. Depuis vingt ans, la Suisse importe avant tout du café non torréfié, du tourteau et autres sous-produits du soja pour l’alimentation animale ainsi que des poitrines de poulet. En contrepartie, du café torréfié, des boissons sans alcool, tel que le Red Bull, ainsi que du chocolat sont exportés au Brésil. Selon l’ASSAF-Suisse, l’étude démontre que pour maintenir une agriculture indigène productrice, la marge de manœuvre de la Suisse dans des négociations serait limitée face au géant de la production agroalimentaire industrialisée qu’est le Brésil. Les possibilités d’exportation de spécialités, comme le fromage, ne permettraient pas de compenser les pertes de parts de marchés occasionnées par les produits à bas prix.
En conclusion de sa présentation, David Rütschi a souligné l’intérêt des étudiants des hautes écoles pour traiter les domaines liés à l’agriculture. De son côté Walter Willener tire le bilan suivant: «Les résultats confirment les problèmes que pourrait avoir l’agriculture suisse en cas d’ouverture plus importante des marchés. A l’évidence, il y a des différences énormes au niveau des conditions naturelles de production, des structures, mais aussi et surtout au niveau des exigences et des conditions à remplir pour la production qu’il est impossible à l’agriculture d’être concurrentielle sur les marchés ouverts.»
Des problèmes s’éloignent, d’autres sont en vue
Si, selon le président de l’ASSAF, une ouverture plus large des marchés de pays éloignés, comme le Brésil ou les USA, semble ne plus être une priorité actuellement du côté des autorités, il estime que l’OFAG a la ferme conviction qu’un accord agroalimentaire avec l’Union européenne demeure nécessaire pour assurer la sécurité alimentaire. Selon Walter Willener, deux pistes paraissent possibles : d’une part, un accord pour une ouverture sectorielle, avec en première ligne le secteur du lait destiné à l’industrie; et d’autre part, un accord de libre-échange plus général, assorti d’une clause de stratégie qualité. Cela signifie que seuls les produits étrangers répondant aux standards suisses pourraient être importés sans droit de douane. «L’attitude de certains distributeurs qui se vantent d’appliquer les exigences suisses à leurs produits importés me confortent dans ma vision. Cette voie est très dangereuse, car même en respectant les règles suisses, les produits importés auront toujours un avantage concurrentiel évident, au vu des coûts de production, du sol, des constructions et surtout de la main-d’œuvre à l’étranger», constate-t-il. «En résumé, si l’ALEA version 2008 du Conseil fédéral est bien mort, un ALEA nouvelle formule avec l’UE suscite les plus grandes craintes de ma part.»
L’ASSAF-Suisse en 2015…
Outre le suivi du dossier lié à la sécurité alimentaire, l’ASSAF-Suisse, qui comptait soixante-quatre membres à fin 2014, continuera à s’engager dans les débats relatifs aux questions de libre-échange agricole. La politique agricole PA 18+ et PA22+ sera également à l’ordre du jour. Et comme le secteur agro-alimentaire doit pouvoir continuer à s’appuyer sur ses propres analyses, l’ASSAF-Suisse travaillera cette année encore avec différents mandataires des hautes écoles et des universités suisses pour étudier en détail les conséquences des accords bilatéraux projetés ou en discussion sur l’agriculture de notre pays.
AGIR
