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Parrains en cascade pour les vaches d’Hérens
Quand Samuel Balet, alors étudiant à la HES-SO Valais-Wallis, a lancé EdelAlp en 2022, il ne s’imaginait pas que son projet survivrait au-delà d’un été. Et encore moins qu’il deviendrait si populaire. "Au départ, c’était une idée test", explique-t-il. Un concept qui a vu le jour dans le cadre du programme Business Team Academy, une formation fondée sur l’apprentissage par l’action, amenant les étudiants à créer et à gérer eux-mêmes des projets concrets. Samuel Balet conçoit alors un programme nommé «Ma Reine de l’été», dont le but est de permettre à ceux qui le souhaitent de parrainer une vache d’Hérens pendant la saison d’alpage afin de soutenir directement les éleveurs de montagne.
Le premier partenaire à rejoindre l’aventure est l’alpage de Tracuit, à Vercorin, toutefois sans trop y croire. "Malgré ça, ils ont accepté de jouer le jeu. Ils ont été vraiment sympas", se souvient Samuel Balet. À la surprise générale, les cent vaches proposées trouvent toutes un(e) parrain/marraine en seulement deux jours, avec un succès qui dépasse très largement le cercle des proches et des amis.
Une évolution contrôlée
Aujourd’hui, EdelAlp vient de lancer sa quatrième saison et s’est fixé un nouvel objectif ambitieux: atteindre 600 parrainages en 2025, soit environ 10% du cheptel de vaches d’Hérens recensées en Suisse. Un cap symbolique que l’organisateur vise avec confiance, d’autant qu’avant même l’ouverture officielle des inscriptions, 350 parrainages étaient déjà pré-réservés. "Le taux de renouvellement, depuis le départ, avoisine les 60% et les parrains/marraines en parlent autour d’eux", se réjouit Samuel Balet.
Sept alpages partenaires répartis dans le Valais proposent désormais une «Reine de l’été» à parrainer entre mi-juin et mi-septembre. Le dernier arrivé, pour la saison 2025, est l’alpage de Novelett, situé à Evolène. En 2024, c’est l’alpage de La Lé, à Vercorin, qui avait apporté une nouveauté en élargissant les possibilités de parrainage aux veaux et aux génisses. "Certaines personnes ont un peu peur des vaches d’Hérens, qui sont imposantes, et préfèrent parrainer un animal d’un gabarit plus petit. Cette option permet également à ceux qui le souhaitent de suivre l’évolution d’un animal sur plusieurs années", souligne encore Samuel Balet.
Du côté des alpages, l’enthousiasme pour le programme dépasse désormais les attentes. Mais le jeune organisateur a choisi de limiter l’expansion. "On aurait pu accueillir une douzaine d’alpages cette année, mais on veut garder le contrôle", explique-t-il. "On ne veut pas grandir trop vite afin de continuer à garantir une expérience de qualité pour les parrains comme pour les éleveurs, et maintenir un lien personnel entre les deux."
Une formule claire et simple
Depuis son lancement, EdelAlp repose sur le même modèle, simple. Parrainer une Reine – ou un veau - coûte 275 francs. Sur cette somme, 110 francs sont directement reversés à l’alpage. Cent francs sont offerts aux parrains/marraines sous forme de bon pour l’achat d’un fromage entier produit sur place, le reste couvre les frais de gestion: impression des certificats de parrainage, logistique, communication, plateforme en ligne.
Une transparence qui séduit les parrains. "Ça leur permet de savoir précisément où va leur argent et d’être certains que les éleveurs reçoivent un soutien concret, sans intermédiaire inutile", relève encore Samuel Balet. Ainsi, en 2024, EdelAlp a redistribué 560'000 francs aux alpages partenaires et couvert l’achat de 460 fromages. À Rotigen, par exemple, le montant versé a permis de restaurer des bâtiments et de réhabiliter une partie de la fromagerie. D’autres exploitations investissent dans du matériel, des clôtures ou peuvent tout simplement diminuer les charges liées à l’estivage. Le coût pour une vache s’élevant à 600 francs, il passe ainsi à 500 francs.
Ce que viennent chercher les parrains
Mais qu’est-ce qui plaît autant dans ce concept? Les raisons sont diverses. "Il y a l’envie d’apporter un soutien concret, comme on l’a dit. Par ailleurs, avec «Ma Reine de l’été», les parrains ne soutiennent pas seulement une cause. Ils choisissent une vache. Ils reçoivent sa photo, son nom, ce qui leur permet de se sentir d’autant plus impliqués", répond le jeune organisateur. "Ils apprécient également de recevoir un fromage fabriqué à la montagne et d’être invités à des événements organisés à l’alpage, durant l’été."
Pour beaucoup, c’est aussi l’occasion d’une première rencontre avec l’agriculture de montagne. Une manière de s’engager à son échelle et de créer des liens. "Les parrains peuvent monter quand ils veulent en estive, voir leur filleule, l’éleveur ou le berger est là. Il sait exactement de quelle vache il s’agit. Il peut raconter son tempérament, ses habitudes…"
Quant aux profils, ils sont variés. On retrouve des citadins qui n’ont jamais mis les pieds dans un alpage, des Valaisans curieux de renouer avec leur terroir, des familles, des retraités, des jeunes adultes. Ils viennent de Genève, de Neuchâtel, du Valais, mais aussi de France, d’Allemagne ou des Pays-Bas. Certains décident de parrainer une Reine plusieurs années, la même ou une autre, pour découvrir des tempéraments différents, car chaque animal a sa personnalité. Des parrainages sont également offerts à des proches, pour un anniversaire ou une naissance.
Un soutien direct à l’agriculture de montagne
Avec ses actions, EdelAlp ne prétend pas changer la donne pour l’agriculture de montagne. Mais il apporte un complément utile, concret, sans conditions ni contreparties (sauf une photo des vaches) pour les agriculteurs, contrairement aux subventions classiques comme les paiements directs, qui sont assorties de conditions précises.
Au-delà de l’argent, il y a aussi l’aspect «valorisation du travail» qui ressort. "Les agriculteurs sont fiers de leur métier, et ces parrainages sont perçus comme une reconnaissance de ce qu’ils font. C’est aussi une occasion d’échanger qui est souvent très appréciée", relève Samuel Balet.
Quant au bon pour un fromage, inclus dans le parrainage, il sert également de levier. Il incite les parrains à monter en alpage, à goûter les produits fabriqués sur place. Ce qui est, pour les éleveurs, une opportunité d’écouler une partie de leur production, sans intermédiaire ni commission.
Et si vous cherchez une explication au nom que le jeune entrepreneur a choisi pour son projet, Edel signifie "précieux" en allemand et "Alp", Alpes, car dit-il, "le travail qui est fait dans les Alpes et alpages est précieux"
Entre terrain et recherche
Aujourd’hui, Samuel Balet consacre environ 20% de son temps à EdelAlp, tout en occupant un poste d’assistant de recherche à la HES-SO Valais-Wallis. Mais il a pour objectif de continuer à développer ses projets de parrainage, en conservant sa vision de départ: une croissance maîtrisée, en phase avec ses valeurs initiales.
Dans cet esprit, il a récemment lancé "Ma Bergerie", un projet similaire appliqué à d’autres animaux de montagne, comme les moutons, chèvres et chiens de protection. Ici encore, la priorité est donnée à une relation simple, authentique et directe entre citoyens et éleveurs.
Pascale Bieri/AGIR
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